La première réunion du nouveau cabinet, le 20 juin 2022
Depuis le décès de son oncle et inamovible Premier ministre (1971-2020) Khalifa ben Salmane Al Khalifa le 11 novembre 2020, le roi Hamad ben Issa Al Khalifa (depuis 1999) tient plus fermement les rênes du pouvoir. Le gouvernement a été profondément remanié le 13 juin 20221. Le prince héritier Salmane ben Hamad Al -Khalifa (né en 19692) reste Premier ministre (depuis novembre 2020) et concentre ses activités sur la gouvernance économique. Les « ministères souverains » de l’Intérieur, des Finances et des Affaires étrangères ne changent pas de titulaires, et restent à la main du roi. Avec 17 nouveaux ministres sur 22, le cabinet a été rajeuni et légèrement féminisé Trois constats, qui traduisent des inflexions :
– 9 ministres seraient chiites, la plus importante proportion dans l’histoire de la dynastie sunnite au pouvoir depuis la fin du XVIIIe siècle ;
– 3 ministres seulement appartiennent à la famille régnante Al Khalifa, la plus petite proportion dans l’histoire du royaume ;
– et la représentation de la branche Khawalid de la famille royale est réduite: or, elle est réputée très proche de l’Arabie saoudite et favorable depuis 2011 à la répression la plus intransigeante des oppositions.
Le ministre du pétrole a ainsi perdu son poste. Il est le fils du puissant commandant en chef des Forces de défense de Bahreïn, le maréchal en chef Khalifa ben Ahmed al-Khalifa, issu de cette faction Khawalid. Celle-ci conserve cependant des postes importants, par exemple le ministère des Affaires de la cour royale et son neveu en tant que ministre du suivi de la cour royale. De même, certains héritiers de l’ex-Premier ministre Khalifa ben Salmane Al Khalifa sont écartés, dont son fils Ali ben Khalifa, qui était vice-Premier ministre, et parfois présenté comme un possible rival conservateur du prince héritier.
Globalement, le pouvoir du prince héritier semble ainsi conforté par ces départs d’une « vieille garde conservatrice ». Salmane reste crédité depuis la crise de 2011 (et surtout lors du Dialogue national en 2011-2012) de velléités réformatrices. Mais, à ce jour, force est de relever qu’il n’a pas eu l’occasion de les mettre en œuvre, en particulier du fait du blocage de toute ouverture par les factions conservatrices et pro-saoudiennes de la dynastie régnante.


Enfin, les observateurs s’intéressent beaucoup à l’un des demi-frères du prince héritier, Nasser ben Hamad Al Khalifa. « Sheikh Nasser », né en 1987, appartenant à la tribu Al-Ajman par sa mère, et marié à une princesse dubaïote, serait « le fils préféré » de son père Hamad. Réputé dans sa jeunesse pour ses activités sportives (cavalier, dirigeant de l’équipe cycliste du Bahreïn, etc), accusé de tortures par certains prisonniers politiques en 2011, Sheikh Nasser s’investit de plus en plus dans les responsabilités militaires et sécuritaires (à la tête de la Garde royale ; comme secrétaire général du Conseil royal de défense, depuis 2020 ; engagé dans les questions de cyberguerre, etc.) et ne cache pas ses ambitions dans ces domaines. Les médias d’opposition en exil veulent y lire une concurrence politique possible dans le futur pour Salmane.

Le prince héritier Salmane (à droite) et son demi-frère « Sheikh Nasser » (de face) à un salon de l’armement en 2019
NOTES
1 ROEBUCK William, « Bahrain Cabinet Reshuffle: Crown Prince and His Team Take Center Stage », The Arab Gulf States Institute in Washington, June 22, 2022. URL : https://agsiw.org/bahrain-cabinet-reshuffle-crown-prince-and-his-team-take-center-stage/
2 Site officiel : http://crownprince.bh/en/home

Le roi Hamad et le prince héritier Salmane