Le sultan Haïthem d’Oman avec le roi Salman et le prince-héritier MBS. Riyad, 13 juillet 2021


Pendant son long règne (1970-2020), le sultan Qabous ben Saïd ben Taïmur Al Saïd avait mené une diplomatie très spécifique. Elle reposait sur des liens sécuritaires étroits avec les puissances britannique et américaine (qui continuent à fournir une aide militaire et économique majeure). Elle entretenait des relations de bon voisinage avec l’Iran, jouant parfois les intermédiaires entre Washington et Téhéran (en particulier lors des négociations sur le nucléaire entre 2012 et 2015). Elle affirmait sa neutralité et sa médiation dans les conflits régionaux – en particulier ces dernières années dans le conflit au Yémen voisin (Mascate a ainsi contribué en avril 2021 à la libération d’une douzaine d’étrangers détenus par différentes factions). Le sultan Haïthem, qui est monté sur le trône le 11 janvier 2020, a confirmé depuis 2 ans ces trois premiers volets de la diplomatie omanaise. Mais il a introduit un changement majeur sur un quatrième volet : les relations avec l’Arabie saoudite.

Les relations entre Mascate et Riyad ont longtemps été froides, car le sultan Qabous se méfiait de l’hégémonisme saoudien au sein du Conseil de coopération du Golfe. Il refusait, en particulier, les projets saoudiens d’organiser une architecture de sécurité du golfe Persique excluant l’Iran. Or, en juillet 2021, le sultan Haïthem a choisi l’Arabie saoudite pour son premier déplacement à l’étranger depuis sa prise de pouvoir- la première visite d’un dirigeant omanais dans le royaume depuis plus d’une décennie. Il a d’abord atterri à Neom, au nord-ouest du royaume, près de la mer Rouge: le grand projet de ville futuriste et touristique du prince héritier Mohammed ben Salmane. Puis il a rencontré le roi Salmane à Riyad – les gratte-ciel de la capitale saoudienne avaient été illuminés en rouge et vert, aux couleurs du drapeau omanais. Il y a été acté la création d’un conseil conjoint de coordination, pour piloter des partenariats bilatéraux. Ceux-ci pouvant s’inscrire dans une convergence des objectifs des programmes saoudien Vision 2030, et omanais Vision 2040.


Neom, avec MBS (12 juillet) ; Riyad, avec Salman (13 juillet)


La visite a coïncidé avec l’inauguration du premier point de passage terrestre reliant les deux pays (à Ramlet Khelah1), alors qu’Oman entend devenir un hub logistique régional reposant sur des infrastructures routières (vers l’Arabie et vers les EAU), ferroviaires (dans l’hypothèse de la mise en chantier du véritable serpent de mer qu’est le « chemin de fer du Golfe » devant relier le Koweït à Oman via les autres Etats membres du CCG) et maritimes (le projet Duqm, sur la côte méridionale d’Oman).

Oman pourrait transformer en opportunité la concurrence économique qui apparaît ces derniers mois entre l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis. En effet, en juillet 2021, Riyad a modifié ses règles d’importation pour exclure des concessions tarifaires préférentielles intra-CCG les marchandises fabriquées dans les zones franches du Golfe – lesquelles sont centrales dans l’économie des EAU. Le royaume peut, dès lors, trouver en Oman une alternative commode aux infrastructures portuaires et logistiques des EAU. Lors de l’étape omanaise de la tournée dans le Golfe du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, en décembre 2021, 13 protocoles d’accord ont ainsi été signés entre des entreprises omanaises et saoudiennes publiques et privées. Et le Fonds souverain saoudien a promis 5 milliards de dollars d’investissements dans le sultanat, étudiés en janvier 2022 lors de la venue à Mascate d’une délégation saoudienne dirigée par le ministre de l’Investissement.

Comme le royaume saoudien, Oman n’a pas suivi Bahreïn et les Emirats arabes unis en matière de normalisation des relations diplomatiques avec Israël à la suite des « accords d’Abraham » de septembre 2020.  Mais le sultanat entretient des relations commerciales et politiques officieuses avec l’État hébreu depuis deux décennies. Mascate a ainsi participé, en février 2022, aux manœuvres maritimes internationales International Maritime Exercise (IMX 22), réunissant 60 pays (dont l’Arabie saoudite, mais ni le Koweït, ni le Qatar, ni évidemment l’Iran) sous commandement américain, et incluant une participation israélienne.


NOTES

1 Au point de passage de Ramlet Khelah, les deux pays sont unis depuis fin 2021 par une nouvelle route, entre Ibri, au nord-ouest d’Oman, et la ville saoudienne de Shaybah, traversant le Rub al-Khali, le plus grand désert de sable du monde.