Le 14 février 2011 a marqué le début du « Printemps de la place de la Perle » à Manama : un « printemps arabe » bahreïni  précoce, qui s’est terminé dans la violence un mois plus tard, le 15 mars, les forces bahreïnies bénéficiant pour cela de l’aide des forces saoudiennes et émiraties. Le mouvement de contestation du régime a été écrasé dans les années qui ont suivi, sans qu’aucune ouverture ne soit proposée depuis par le régime du roi Hamad Al Khalifa et du prince héritier et Premier ministre Salmane. Les rapports des ONG de défense des droits humains en témoignent d’abondance année après année.



Un album de coloriage pour transmettre aux enfants la mémoire de 2011

Pour marquer le 13e anniversaire du 14 février, à défaut que la contestation puisse s’exprimer dans l’espace public, la Société islamique Al-Wefaq (principal parti d’opposition, islamiste chiite, très largement implanté dans la population chiite du royaume, dissous en 2016) a publié en ligne un album de coloriage intitulé « La génération de la Perle »1. Avec un sous-titre explicatif : « Un livret de coloriage pour faire découvrir aux enfants et aux jeunes générations les événements les plus marquants de la Révolution du 14 février 2011 ». Al-Wefaq a invité les parents à « imprimer le cahier à la maison, et à enseigner à leurs enfants l’histoire des événements de 2011 ».

Nous n’avons pas réussi à nous procurer l’album, décrit comme suit dans un journal d’opposition édité à Londres 2: « L’album représente les événements les plus marquants du soulèvement : le rassemblement de masse au rond-point de la Perle à Manama ; les événements sanglants du 11 février ; un portrait du martyr Ali Al-Moumen ; des images du retour au rond-point le 18 février 2011. Il comprend également un portrait de Son Éminence l’ayatollah Cheikh Issa Qassem3, et de son célèbre mot d’ordre lors d’un sermon du vendredi « Nous ne nous agenouillerons que devant Dieu » ; deux images de la démolition de mosquées chiites en mars 20114, et des citoyens chantant leurs slogans sur les terrasses pendant l’état d’urgence ». Ces différents thèmes signent indubitablement l’origine islamiste chiite de cette édition virtuelle.

La répression persistante contre les oppositions depuis 2011 ne laisse pratiquement aucune possibilité de manifester dans l’espace public, sinon sous forme de quelques brefs rassemblements nocturnes dans les quartiers et « villages chiites » de l’archipel. Compte tenu de la censure d’internet et des réseaux sociaux, les images en sont très rares. En revanche, les groupes d’opposition, formels ou non (mais tous quasi dissous et/ou clandestins), publient des communiqués à l’occasion des dates anniversaires.

La Société Al-Wefaq (dissoute) a, une nouvelle fois, appelé le pouvoir à respecter les promesses de réformes de la Charte nationale de 2002, et de rétablir les droits humains bafoués depuis 20115. Plusieurs autres sociétés (dont le Waad – National Democratic Action Society ; le Progressive Democratic Tribune, PDT, etc.) en ont égalemement appelé le 14 février 2024 à la Charte nationale de 2002, et à un dialogue du pouvoir avec l’opposition. Au nom de la cause palestinienne, elles ont exigé du gouvernement « d’annuler tous les accords de coopération avec l’entité d’occupation [israélienne] et d’expulser son ambassadeur de Bahreïn .» Ce qui renvoie aux tensions générées à Bahreïn par la guerre à Gaza, qui place le régime signataire des accords d’Abraham avec Israël dans une position inconfortable6.


Une étude publiée en 2015 par Marc Owen Jones


1 Cf.quelques-un de nos posts consacrés spécifiquement à la place de la Perle :

https://questionsorientoccident.blog/2014/08/15/manama-dans-la-serie-places-de-libe-2014/

https://questionsorientoccident.blog/2012/01/24/bahrein-janvier-2012-ne-cherchez-plus-une-piece-de-500-fils-a-manama/

https://questionsorientoccident.blog/2011/03/18/plus-fort-que-bertolt-brecht-%ef%bb%bf/

2 Bahrain Mirror, 14/2/2024. URL: http://bahrainmirror.com/en/news/64276.html

3 Né en 1937 à Diraz (un bastion historique du chiisme à l’ouest de Manama, épicentre de la contestation politique depuis 2011), Issa Qassem est l’autorité principale du chiisme bahreïni, et le maître à penser du parti Al Wefaq. Il a été déchu de sa nationalité bahreïnie en 2016, et s’est exilé en Iran en 2018.

4 Cf. notre post du 13 mai 2011 : https://questionsorientoccident.blog/2011/05/13/bahrein-pendant-la-repression-les-demolitions-continuent/

5 Les partis politiques étant interdits, ils sont déclarés comme « sociétés », tolérées ou non selon leur nature, la plupart dissous par la justice en 2015-2016 (en particulier la plus importante, Al-Wefaq).

6 Cf. notre post du  19 octobre 2023: https://questionsorientoccident.blog/2023/10/19/loperation-terroriste-du-hamas-et-les-represailles-israeliennes-a-gaza-mettent-certains-signataires-arabes-des-accords-dabraham-en-porte-a-faux-politique-avec-leurs-opinions-publique/


Rond-point de la Perle, Manama, février 2011