Démolition de la mosquée Emir Mohammed Baraighi (capture d’écran, JPB)

         

Après avoir détruit le monument de la Perle pour se venger d’un mois d’agora populaire (notre billet du 18 mars), le régime du Bahreïn, appliquant une forme de punition collective à sa population, a fait démolir depuis début mai une trentaine de mosquées et lieux de culte chiites. Le ministre de la Justice et des Affaires islamiques, cheikh Khaled ben Ali ben Abdallah al-Khalifa, a expliqué : « Ce ne sont pas des mosquées. Ce sont des constructions illégales. ». Problème: la plupart d’entre elles étaient répertoriées sur le site officiel des waqf (les biens religieux), accessible en ligne. Et parmi les bâtiments détruits se trouve la petite mosquée Emir Mohammed Baraighi, bien connue des visiteurs puisque sur la route principale qui traverse l’île, près du village chiite d’Aali (célèbre pour ses fours de potiers): les guides la datent en général du XVIIe siècle ! A moins que ces destructions ne soient une mesure de salubrité publique: le 1er mai, dans l’officieux Gulf Daily News, un lecteur comparaît les chiites à des termites, à traiter comme tels, c’est-à-dire à exterminer… Confirmant par ces démolitions son discours d’occultation confessionnelle de la question démocratique, le régime bahreïni semble s’être engagé dans une véritable guerre de religion anti-chiite -soit contre 70% de la population de l’île. Mais en réalité, là comme ailleurs -en Syrie par exemple- l’instrumentalisation de la question confessionnelle n’est qu’une dimension d’une répression qui est d’abord et avant tout politique et sociale.

1/ Un dossier de recensement des destructions (photos, vidéos, captures d’écran du registre officiel des waqf) a été ouvert par un blogueur bahreïni à partir du support de google.maps:http://maps.google.com/maps/ms?hl=en&ie=UTF8&oe=UTF8&msa=0&msid=201183833019020787911.0004a17a0fd2cb6e24158

2/ Des vidéos circulent sur you-tube, dans une mise en forme parfois typiquement chiite. L’un des montages (dans sa deuxième partie) montre la destruction de la mosquée Emir Mohammed Baraighi : http://www.youtube.com/watch?v=_5h2Q_FmYkI

3/ Une enquête sur place par Roy Gutman, reporter de McClatchy News, repris par le Christian Science Monitor le 11 mai 2011, a révélé ce volet spécifique de la répression au Bahreïn:

http://www.csmonitor.com/World/Middle-East/2011/0511/Bahrain-s-Sunni-rulers-target-Shiite-mosques

4/ Le courrier publié dans le Gulf Daily News du 1er mai 2011 comparant les opposants à des termites (white ants) à exterminer :

5/ Al-Jazeera English, chaîne de l’émir du Qatar, que l’on a notée (surtout dans sa version arabe) beaucoup plus discrète dans sa couverture des évènements à Manama qu’au Caire ou à Benghazi, a cependant réalisé plusieurs reportages sur la répression au Bahreïn, dont l’un sur la destruction des mosquées:

http://english.aljazeera.net/video/middleeast/2011/05/2011513112016389348.html

6/ Addendum du 23 novembre 2011: on dispose dorénavant d’un document important pour la description factuelle et l’analyse juridique de la démolition d’un quarantaine au moins d’édifices à caractère cultuel entre mars et mai 2011: le Rapport de la Commission d’enquête internationale indépendante (Bahrain Independent Commission of Inquiry (BICI), rendu public le 23 novembre 2011. Le chapitre concerné (Chapitre VII, section A) est p.311 à 322. Le document est accessible en version. pdf:  http://files.bici.org.bh/BICIreportEN.pdf. Le rapport souligne et la diversité des édifices démolis, et la multiplicité des acteurs administratifs de la mise en oeuvre des démolitions, et leur caractère très majoritairement illégal au regard de différents textes de référence. Tous les édifices détruits ressortaient, sans surprise, du culte chiite.