C’est avec une inquiétude non dissimulée que les parents ont accompagné, le 5 septembre, leurs enfants à la journée de rentrée des écoles, des collèges et des lycées. Quelque quinze millions d’élèves étaient appelés à reprendre les cours, après presque six mois de fermeture des écoles à l’échelle nationale.

L’Iran reste, depuis le début de l’année 2020, le pays du Moyen-Orient le plus touché par le coronavirus (fin septembre : environ 450000 contaminés et 30000 décès selon les chiffres officiels). Les spécialistes s’accordent pour dire que la République islamique est d’ors-et-déjà entrée dans une troisième vague de contamination. L’heure n’est pas encore à en hiérarchiser les causes (intensité des liens avec la Chine, et en particulier Wuhan ; occultation de l’épidémie pour ne pas dévaluer plus encore une participation électorale annoncée très faible aux élections législatives de février ; exigences d’une partie des religieux que les centres religieux, et les cérémonies cultuelles, ne soient pas touchés par des mesures restrictives ou de confinement ; circulation intense des croyants et des pèlerins entre les différents lieux saints du pays, contribuant à y distribuer le virus ; thèses complotistes et obscurantistes sur la non-existence du virus, ses origines étrangères, etc.) non plus qu’à évaluer les moyens, ou l’insuffisance des moyens, engagés par les autorités pour combattre l’épidémie (système médical et hospitalier inadapté, démuni par la bureaucratie, la corruption et les sanctions internationales ; pénurie de personnels hospitaliers ; tiraillement entre centres de pouvoirs sur la question du confinement, par exemple des centres religieux ; ou sur les restrictions à la libre circulation à l’intérieur du pays, etc.). Sur plusieurs de ces dimensions, l’Iran, pays développé, ne se distingue guère de la plupart des pays occidentaux.

Toujours est-il que le bilan humain est lourd, en termes de personnes infectées, et de décès, surtout, semble-t-il, dans les régions périphériques et déshéritées du pays (Kurdistan, Sistan-Baloutchistan). Nous n’entrerons pas ici dans la querelle des chiffres, les statistiques officielles globales et quotidiennes étant sans doute sous-évaluées, et parfois à peine moins crédibles que celles, dramatiquement inflationnistes, fournies par la propagande de certains groupes d’opposition installés en France et aux Etats-Unis .

C’est donc avec une inquiétude non dissimulée que les parents ont accompagné, le 5 septembre, leurs enfants à la journée de rentrée des écoles, des collèges et des lycées. Quelque quinze millions d’élèves étaient appelés à reprendre les cours, après presque six mois de fermeture des écoles à l’échelle nationale. Le gouvernement, les autorités locales et les personnels de l’éducation nationale ont pourtant multiplié les efforts pour sécuriser cette rentrée et rassurer les familles. Dans tous les médias, articles de presse, reportages télévisés et reportages photographiques ont montré à l’envie la distanciation des élèves le jour de la rentrée dans les écoles de toutes les régions du pays, les précautions à l’entrée des établissements et des classes (prise de température, lavage des mains, gel hydroalcoolique, pédiluves), et les précautions individuelles des élèves, en particulier dans les écoles primaires (masques chirurgicaux ou en tissus, plus souvent visières transparentes, gants jetables ; et même, localement, des tentes individuelles transparentes dans des salles de classe) 1.

Cela n’a visiblement pas suffit. Les polémiques n’ont pas manqué 2. Avant même la rentrée, le professeur Mohammad-Reza Zafarghandi, président de l’ordre des médecins, publiait une lettre ouverte où il qualifiait de « contradictoires  les règles sanitaires prescrites pour les écoles. », en particulier dans le cas d ‘élèves asymptomatiques. Le 5 septembre, dérogeant à la tradition qui veut qu’il se rende en personne dans un établissement scolaire, le président iranien Hassan Rohani a lancé la rentrée des classes par visioconférence, ce qui a provoqué les critiques de parents d’élèves, de réformateurs critiques et de l’opposition conservatrice. C’est donc le ministre de l’Éducation, Mohsen Hadji-Mirzaï, qui a sonné symboliquement la cloche au lycée pour garçons Nojavanan, dans l’est de Téhéran.

Tout ceci n’a pas nécessairement rassuré une population désabusée qui, pour une large part, ne croit guère aux promesses du régime, frappée qu’elle a été ces dernières années par des épisodes de répression particulièrement sévères, dans le contexte d’une militarisation qui voit les gardiens de la révolution occuper une place croissante dans le système.

> Crédits photos : Agences Mehr, ISNA, IRNA, Tasnim


1 Voir par ex. les reportages de l’agence ISNA : https://en.isna.ir/photo/99061511092/New-school-year-begins-in-Iran

2 Voir France 24, 6/9/2020 : https://www.france24.com/fr/20200906-covid-19-en-iran-une-rentr%C3%A9e-des-classes-entre-craintes-et-pol%C3%A9miques