Toujours aussi déterminée et ferme sur ses principes, notre collègue historienne et professeure de sciences politiques à l’Université de Galatasaray, Füsun Üstel, a prononcé il y a quelques jours à Istanbul une dernière conférence publique avant d’entrer en prison pour 15 mois (https://www.youtube.com/watch?v=fLU7Vu-hyGU). Le thème abordé traitait, et ce choix ne devait évidemment rien au hasard, de « L’histoire de la citoyenneté dans la Turquie républicaine », une histoire sur laquelle Füsun a beaucoup travaillé et publié.

F.ÜSTEL, L’éducation à la citoyenneté de la monarchie constitutionnelle à nos jours, Istanbul, İletişim Yayınları, 2016, 7e édition .

L’auditoire, nombreux -beaucoup de femmes et d’étudiant(e)s-, était pour partie composé de dizaines de ses collègues et ami(e)s signataires en 2016 de la « Pétition des universitaires pour la paix », poursuivi(e)s et condamné(e)s depuis par une justice turque aux ordres (cf. notre post du 5 mars 2019). Füsun Üstel est la première des condamné(e)s à être incarcérée au motif de cette pétition.

Comme avant elle et en leur temps notre collègue constitutionnaliste Ibrahim Kaboğlu (cf. notre post du 29 janvier 2013), notre collègue historienne Büşra Esranlı, ou encore la sociologue Pınar Selek  (cf. nos posts du 2 novembre 2011 et du 1er août 2012) et bien d’autres, Füsun Üstel bénéficie d’un large soutien dans les universités et instituts d’études politiques français, où elle est souvent intervenue comme enseignante et chercheure. Füsun Üstel s’ajoute désormais à la liste interminable des intellectuel(le)s, journalistes, écrivain(e)s, avocat(e)s et autres citoyen(e)s emprisonné(e)s par le régime AKP de Recep Tayyip Erdoğan (cf.http://www.kedistan.net/2017/04/10/auteurs-ecrivains-emprisonnes-turquie/). La chasse aux intellectuel(e)s est une constante de ce régime depuis des années (cf. l’analyse d’Ahmet Insel  en décembre 2017 : https://laviedesidees.fr/La-chasse-aux-intellectuels-en-Turquie.html)

Pour la connaître depuis longtemps, et avoir travaillé et enseigné avec elle à Istanbul et à Grenoble, nous ne doutons pas que Füsun saura continuer derrière les barreaux de sa prison pour femmes d’ Eskişehir, en Anatolie occidentale, son activité d’intellectuelle engagée et de pédagogue…

F.ÜSTEL, Les Foyers turcs, Istanbul, İletişim Yayınları, 2017, 4e édition .