Après plus de huit ans de mandat, le premier ministre irakien Nouri al-Maliki a du quitter son poste le 8 septembre. Peu auparavant, « le dirigeant irakien que tout le monde déteste » a fait l’objet d’un sévère réquisitoire du grand ayatollah al-Sistani le 25 juillet 2014. Le chef de facto du clergé chiite irakien, s’exprimant par la voix d’un assistant depuis la ville de Kerbala, avait appelé les dirigeants du pays à ne pas s’accrocher à leurs postes. Une allusion à peine voilée au premier ministre de l’époque (chiite en application de la Constitution fédérale et communautariste de 2005), Nouri al-Maliki, en poste depuis mai 2006. Ali Al-Sistani a réclamé « un esprit de responsabilité nationale qui requiert l’application de principes de sacrifice et d’abnégation, et le fait de ne pas s’accrocher à des positions ou à des postes ».
Nouri al-Maliki est arrivé au pouvoir en 2006 dans un pays contrôlé par les Américains et déchiré par les violences sectaires car il faisait à l’époque figure d’homme de compromis. Mais au lieu de tendre la main aux sunnites, comme le lui enjoignait la communauté internationale, il a systématiquement pratiqué une politique sectaire d’exclusion et de répression, faisant preuve d’un tel autoritarisme qu’il a pu parfois être surnommé « le deuxième Saddam ». En ordonnant, par exemple, moins de 24 heures après le « départ définitif » des Américains fin 2011, l’arrestation du vice-président et leader sunnite Tareq Al-Hachemi, accusé de terrorisme, ce qui accentue le ressentiment des sunnites irakiens. Tareq Al-Hachemi s’enfuit, est condamné à mort par contumace, et dénonce une chasse aux sorcières lancé par le « sectaire Al-Maliki ».
Son sectarisme anti-sunnite n’a pas peu contribué au développement du djihadisme sunnite, jusqu’à la vaste offensive jihadiste de l’État islamique (Daech) à l’été 2014, dont la chute de Mossoul a été l’acmé. Il a alors assuré qu’Erbil [la capitale du Kurdistan irakien] « est devenue un quartier général pour l’Etat islamique, pour le parti Baas, pour Al-Qaïda et pour des opérations terroristes. » Se mettant ainsi, au coeur de la tourmente, les Kurdes à dos – lesquels seront sauvés in extremis d’une invasion par Daech par l’arrivée en catastrophe des Gardiens de la révolution de la Force Al-Qods, dirigée par Qassem Soleimani, puis par les Américains. Au final, Nouri al-Maliki s’est mis à dos sa propre majorité parlementaire, appuyé par le parti islamiste Dawa, allié à l’Armée du Mahdi Moqtada Al-Sadr, et au Conseil suprême islamique irakien, originellement parti d’opposition au régime de Saddam et principal parti de l’Assemblée nationale depuis l’invasion des Etats-Unis en 2003.
C’est le vice-président du parlement, Haïdar Al-Abadi, qui lui succède comme premier ministre. Téhéran, grand allié de Bagdad, dit alors soutenir « le processus légal qui a été mené pour la nomination du nouveau Premier ministre irakien ». En omettant la moindre allusion au premier ministre sortant, qui n’est visiblement plus en cours chez les Iraniens… Nouri al-Maliki devient vice-président de la République le lendemain de sa démission, le 9 septembre.
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