Dans une livraison récente de Diplomatie, deux spécialistes de la Chine soulignaient sa place désormais incontournable sur la scène internationale, et les arguments mis en avant par Pékin pour convaincre un nombre croissant d’Etats du « Sud global » de préférer le modèle chinois aux conditionnalités occidentales :
« En instrumentalisant le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, la Chine est parvenue à y occuper des niches délaissées par les acteurs occidentaux à cause de l’instabilité politique, de la corruption systémique et des risques économiques trop élevés, dans un contexte post-guerre froide qui les laissait croire qu’ils pouvaient se permettre de choisir ainsi les bons élèves. En optant pour une approche sans conditionnalité politique, la Chine soutient les compagnies chinoises qui exportent leurs produits, capitaux et savoir-faire, réalisent des grands projets énergétiques et effectuent des acquisitions de gisements en Afrique, en Asie centrale notamment. […] Bien que dans les faits cette politique tende à renforcer les régimes autoritaires et à accorder aux entreprises chinoises un monopole dans certains domaines économiques, aux yeux de la population locale et des élites politiques, les investissements chinois nourrissent l’espoir d’un avenir meilleur et d’une solution plus adaptée aux problèmes de développement que celles proposées par les Occidentaux. Dans le discours officiel chinois, cette approche « pragmatique » et « gagnant-gagnant » est présentée comme une alternative au cercle vicieux de la politique de l’endettement des Occidentaux fondée sur des principes perçus comme paternalistes et sur la conditionnalité politique — démocratie et droits de l’homme. »
Extrait de : ALEXEEVA Olga V., LASSERRE Frédéric,« La Chine dans le monde : du profil bas à une place centrale au sein du système international » in: « 20 ans de Diplomatie : quelle évolution du monde ? », Diplomatien°119, janvier-février 2023. URL: https://www.areion24.news/2023/04/04/la-chine-dans-le-monde-du-profil-bas-a-une-place-centrale-au-sein-du-systeme-international/
Deux livraisons concomitantes développent ces axes de lecture de la montée en puissance de la Chine à l’échelle globale, ou à l’échelle régionale.
La Chine au Moyen-Orient
Dans les études sur le Moyen-Orient, rares sont celles citant la Chine comme puissance régionale. Pourtant, le liens entre Pékin et le « Zhongdong » se sont fortement développées, avec non seulement des formes de coopération, mais aussi un commerce intense (la Chine est désormais, de loin, le principal client des hydrocarbures du golfe Persique), des investissements multiples (ports et autres infrastructures correspondant pour partie aux « routes terrestres et maritimes de la soie » de la BRI) et une participation de plus en plus visible aux enjeux politiques et géopolitiques (soutien aux régimes autoritaires et anti-occidentaux). Mais Pékin ne met pas tous ses œufs dans le même panier, et entretient des relations politiquement non-conditionnelles avec Téhéran comme avec Jérusalem, avec l’Algérie comme avec le Maroc, etc..

Le magazine Moyen-Orient no 58, avril-juin 2023, consacre son dossier central à ce sujet, sous le titre « Chine, puissance du Moyen-Orient ? ». 12 articles cernent à la fois l’ampleur, la diversité et les limites de la présence chinoise du Golfe à l’Atlantique. Voir le sommaire : https://www.areion24.news/produit/moyen-orient-n-58/
« Au royaume des dictateurs, l’opportunisme est roi. Ainsi pourrait être interprétée cette nouvelle incroyable : le 10 mars 2023, la Chine a réussi à faire s’asseoir les deux géants du Moyen-Orient autour de la même table pour leur faire signer une réconciliation formelle. L’Arabie saoudite et l’Iran étaient sans relation diplomatique depuis janvier 2016 […] Ce même 10 mars, Xi Jinping voyait son mandat de président de la République populaire renouvelé et se présentait comme un « homme de paix » […] Peu habituée à gérer les crises politiques du Moyen-Orient, la Chine s’engouffre ainsi dans le vide laissé par les Etats-Unis pour se présenter comme puissance médiatrice. ».
Extrait de l’éditorial de Guillaume Fourmont en ouverture du dossier de Moyen-Orient consacré à la Chine.
[ Dans cette livraison de Moyen-Orient, nous publions une analyse du rôle central des pasdaran dans le système iranien : JP.BURDY, « Iran : une « militarisation du régime » par les Gardiens de la révolution ?», Moyen-Orient no 58, avril-juin 2023, p. 78-83]
Dans Moyen-Orient no 49 (2021), nous avions analysé le « Grand Jeu » Iran-Chine: JP.BURDY, «L’Iran, « A l’Est, toute… » ? Le partenariat stratégique entre Téhéran et Pékin », Moyen-Orient no 49, janvier-mars 2021, p.72-77 ]:
Géopolitique globale de la Chine
De leur côté, les Grands dossiers de Diplomatie- GDD no 73, avril-mai 2023 publient leur dossier biennal consacré à la « Géopolitique de la Chine ». Il fait, en 25 articles thématiques (Politique et société ; Economie et technologie ; Les Marches de l’Empire ; Géopolitique ; Stratégie et défense) un vaste tour d’horizon sur les dimensions et les enjeux de la montée en puissance de la Chine, qui s’assume désormais en rival systémique des Etats-Unis, et entend construire avec la Russie et les pays du « Sud global » (dont les BRICS) un modèle autoritaire alternatif à la « faiblesse démocratique » et à la « décadence occidentale ». Le sommaire en est accessible : https://www.areion24.news/produit/les-grands-dossiers-de-diplomatie-n-73/

[Notre contribution à cette livraison des GDD est une fiche-pays : JP.BURDY, « Taïwan , entre manoeuvres chinoises et pivot asiatique américain », in : « Géopolitique de la Chine », Grands dossiers de Diplomatie- GDD no 73, avril-mai 2023, p.52-53.]
