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Avec cette interrogation en titre : « Elections présidentielle et législatives du 14 mai 2023 : le retour de la démocratie en Turquie ? », Bayram Balci et Nicolas Monceau introduisent le dossier du CERI-SciencesPo. L’année 2023 est une année cruciale en Turquie pour une double raison. Elle marque le centenaire de la fondation de la République de Turquie par Mustafa Kemal dit Atatürk en 1923 et sa célébration est l’occasion d’établir un bilan du pays dans de multiples domaines politique, économique et social, culturel ou encore international. L’année 2023 est aussi une année électorale décisive avec la tenue de deux élections – présidentielle et législatives – le 14 mai prochain : Elections présidentielle et législatives du 14 mai 2023 : le retour de la démocratie en Turquie ?
* Selon Max-Valentin Robert, les observateurs internationaux ont beaucoup traité de la stratégie déployée par les forces d’opposition – notamment en raison de leurs difficultés pour trouver un candidat commun – mais ils se sont peu intéressés à la stratégie du pouvoir mis en place par le président Erdoğan pour ce scrutin. Max-Valentin Robert montre comment la stratégie mobilisée par l’AKP témoigne de l’inscription de ce parti au sein de la grande famille des populismes de droite : Le pouvoir erdoğanien face à l’échéance électorale de 2023
Nous avons particulièrement relevé l’analyse et la mise en garde de M-V.Robert sur les possibles lendemains du 14 mai :
« Du point de vue du pouvoir, [le] contrôle de l’offre électorale est d’autant plus assumé que l’opposition est perçue comme illégitime. […] Pour les populismes autoritaires de droite […] toute possibilité d’alternance, de passation de pouvoir à l’opposition est inconcevable et inacceptable. […] Par conséquent, en cas de défaite électorale en mai prochain, rien ne garantit que le parti d’Erdoğan reconnaisse le verdict des urnes ni qu’une passation de pouvoir se déroule dans un climat apaisé. En outre, si nous retenons le scénario d’une victoire en demi-teinte pour l’AKP – réélection de Recep Tayyip Erdoğan, mais perte de sa majorité à la Grande Assemblée nationale de Turquie –, rien ne laisse supposer une future coexistence sereine entre le président reconduit et la nouvelle majorité parlementaire. Rappelons qu’après le revers enregistré par l’AKP aux législatives du 7 juin 2015, le pouvoir avait organisé un nouveau scrutin le 1er novembre suivant, par lequel l’AKP a retrouvé sa majorité absolue perdue quelques mois plus tôt. »
* Aurélien Denizeau estime que l’aggravation de la crise économique en Turquie depuis 2018 et les méthodes de plus en plus autoritaires du président Erdoğan (depuis son élection en 2014) et de l’AKP, au pouvoir depuis 2002, conduisent de plus en plus de Turcs à souhaiter une alternance : Quelle stratégie de l’opposition pour affronter Erdoğan aux prochaines élections ?
* Deniz Akagül souligne l’importance de la dimension économique pour les prochaines élections. Selon lui, celle-ci déterminera en grande partie le verdict des urnes : Élections de mai 2023 en Turquie : enjeux et perspectives économiques
* Centrée sur la politique étrangère de la Turquie, la contribution de Jana Jabbour montre en quoi les performances diplomatiques des derniers mois des autorités turques peuvent constituer un atout pour le pouvoir politique en place. Confronté à une situation économique et sociale dégradée et fragilisé à l’intérieur du pays, le président Erdoğan, engagé sur tous les fronts et omniprésent sur la scène régionale et internationale, mise sur la politique étrangère pour s’imposer le 14 mai en instrumentalisant la politique étrangère à des fins de politique intérieure : La politique extérieure fera-t-elle l’élection ?
* Adnan Celik souligne que le Parti démocratique des peuples (Halkların Demokratik Partisi, HDP), pro-kurde, demeure un parti clé en capacité d’exercer un rôle d’arbitre, de « faiseur de roi », pour deux raisons principales : le choix du parti de ne pas présenter de candidat à l’élection présidentielle et son poids électoral évalué entre 10 et 15 % des suffrages : Le mouvement kurde toujours debout malgré le « politicide » orchestré par Erdoğan