Une image est devenue virale en Iran d’abord, dans le monde entier ensuite : celle de lycéennes iraniennes dévoilées, faisant dans leur salle de classe un doigt d’honneur aux deux Guides suprêmes, Khomeyni et Khamenei – dont les portraits sont obligatoirement présents dans tout espace public.


La première photo n’est pas datée : elle a émergé sur les réseaux sociaux iraniens le 3 octobre 2022, quinze jours après la mort de Mahsa Amini. Elle s’est propagée extrêmement rapidement dans le pays, et a été reprise, avec quelques autres, sur les réseaux sociaux globaux, postée d’abord par des journalistes, puis des militant.e.s. Elle a immédiatement été suivie par une autre photo « iconique » sur laquelle les lycéennes font un doigt d’honneur à « La République Islamique ».

Ce geste téhéranais initial a été en quelques jours dupliqué dans de très nombreux collèges et lycées de filles iraniens, partout dans le pays. Mêmes uniformes scolaires ; mêmes hijab/foulards rejetés ; mêmes cheveux mis en valeur (bien évidemment, pour des raisons de sécurité, toutes les jeunes filles tournent le dos à l’objectif). Et des slogans ou hashtags qui reviennent sur les tableaux noirs ou blancs : « Femme, Vie, Liberté ! » : « Mahsa Amini » ; « A bas la dictature !» ; « A bas la République islamique ! ».


On est très clairement dans un blasphème politique assumé. Ce geste universellement obscène est à la fois une provocation frontale au pouvoir patriarcal des vieux clercs conservateurs (toujours barbus : les hommes se doivent d’exhiber leur pilosité, alors que les femmes doivent dissimuler leur chevelure nécessairement tentatrice) ; et un acte politique courageux dans le cas des jeunes Iraniennes qui ciblent, dans leurs écoles, le régime islamique.

La réponse dudit régime a été évidemment répressive. Depuis le 16 septembre 2022, plusieurs dizaines d’enfants ont été tués par les forces de l’ordre ; et au moins une lycéenne de 16 ans, Asra Panahi, a été tabassée à mort dans son lycée d’Ardabil le 13 octobre (elle aurait refusé de chanter l’hymne de la République islamique). Partis de Qom, les cas « d’empoisonnement » de collégiennes et lycéennes se multiplient dans toutes les provinces iraniennes depuis fin novembre 2022. Ils se sont accélérés en février-mars 2023. Trois hypothèses : une offensive de « talibanisation à l’afghane », visant à déscolariser les filles (dans un pays où l’une des réussites du régime en 40 ans a été une scolarisation générale des filles, de la maternelle à l’université) ; une psychose collective se diffusant à partir de quelques cas initiaux à Qom (le phénomène s’était déjà produit en Afghanistan en 2009 dans des écoles de filles) ; ou une forme vicieuse de répression du régime, pour punir les collégiennes et lycéennes de leurs doigts d’honneur au régime. Cette dernière hypothèse n’est pas la plus invraisemblable.
REFERENCES
- Sources: internet, réseaux sociaux, captures d’écran.
- Un décryptage des doigts d’honneur des collégiennes et lycéennes en Iran à l’automne 2022 :
Mathilde Blayo « Iran : le doigt d’honneur des lycéennes », ARTE, Le Dessous des images, 31/01/2023. URL: https://www.arte.tv/fr/videos/110342-027-A/le-dessous-des-images/

Il semble que le doigt d’honneur ait aussi été repris dans quelques manifestations de rue, par exemple lors de la manifestation des étudiant.e.s en médecine d’Ispahan, le 1er octobre (il s’adressait alors aux forces de l’ordre qui bloquaient la manifestation).