Paru en 1997, l’ouvrage d’Etienne Copeaux sur la construction de l’historiographie turque de la période kémaliste aux années 1990 est désormais accessible en version numérique sur Open Edition : https://books.openedition.org/editionscnrs/35303. A l’occasion de ce reprint sans modifications, l’auteur a formulé un certain nombre de remarques rétrospectives et critiques sur son travail:

Cf. COPEAUX Etienne, « Retour sur Espaces et temps de la nation turque », Blog Susam-Sokak, 26 décembre 1921. En ligne: https://www.susam-sokak.fr/2021/12/retour-sur-etnt.html


Etienne Copeaux a soutenu en décembre 1994 à l’université de Paris-VIII, une thèse intitulée « De l’Adriatique à la mer de Chine. Les représentations turques du monde turc à travers les manuels scolaires d’histoire, 1931-1993 ». L’intégrale de la thèse est accessible en ligne  sur le site academia.edu :https://independent.academia.edu/EtienneCopeaux.

Ce travail s’inscrivait dans un courant d’analyse en Turquie même, illustré, en particulier, par les travaux de l’historienne Büşra Ersanlı (Université de Marmara1) et de la politologue Füsun Üstel (Université de Galatasaray)


Füsun ÜSTEL, L’éducation à la citoyenneté de la monarchie constitutionnelle à nos jours, Istanbul, İletişim Yayınları, 2016, 7e édition


Büşra ESRANLI, Le pouvoir et l’histoire. La genèse des thèses de « l’histoire officielle » en Turquie, 1929-1937, Istanbul, Editions Iletisim, 1993, 2003

Outre de nombreux articles, la thèse de Copeaux a fait l’objet de deux publications chez CNRS-Éditions. En 1997 d’abord: « Espaces et temps de la nation turque. Analyse d’une historiographie nationaliste ». Puis en 2000: « Une Vision turque du monde à travers les cartes, 1931-1993 », une analyse abondamment illustrée de la cartographie historique des manuels scolaires turcs.


Ces travaux de Copeaux ont été pionniers pour le lectorat français, en ce qu’ils ont permis de mieux comprendre les conditions d’écriture de l’histoire de et dans la jeune « République de Turquie », un processus auquel Mustafa Kemal Atatürk (1881-1938, président de 1923 à 1938) a personnellement participé ; puis de suivre, sur un demi-siècle, l’instrumentalisation d’une « histoire à la fois rêvée et falsifiée » (Copeaux) par un nationalisme exacerbé. Apparemment paradoxale au regard de la « laïcité » [lâïklik] revendiquée par la nouvelle république, l’idéologie de la « synthèse turco-islamique » qui a été officialisée après le coup d’État militaire du 22 septembre 1980, découle largement de cette instrumentalisation initiale de l’histoire. L’autoritarisme national-islamiste du président Recep Tayyip Erdoğan, qui tend de plus en plus à un « illibéralisme » dictatorial, en est l’un des héritages.

Ces travaux méritent donc d’être relus pour la compréhension du temps long de l’histoire politique et idéologique d ‘une République de Turquie dont le centenaire approche (1923-2023) – le président Recep Tayyip Erdoğan espérant bien en être l’ordonnateur et triomphateur, à l’égal , voire au-delà, du « père-turc », Mustafa Kemal (Ata-türk). A moins que les urnes n’en décident autrement…


NOTE:

1Cf.E.Copeaux, 1/11/2011: https://www.susam-sokak.fr/article-busra-ersanl-rag-p-zarakolu-87714961.html


La construction de l’histoire turque à travers des continuités hypothétiques: magazine turc à destination des enfants (années 1960); le président Erdoğan dans son nouveau palais (2015); Mustafa Kemal Atatürk et la « mère-patrie – ana vatan » asiatique (photo des années 1930)