Après la chute du mur de Berlin puis l’éclatement de l’Union soviétique, quelques intellectuels et politologues (dont le plus connu est évidemment Francis Fukuyama 1) avaient annoncé « la fin de l’histoire » et/ ou la fin des idéologies au profit du règne tout puissant et définitivement incontesté de la démocratie libérale. L’illusion idéologique de ces penseurs a rapidement été infirmée par … l’histoire. Après parfois de brèves parenthèses (ou apparences) de démocratisation, liées à l’érosion ou à l’effondrement provisoire des structures répressives et des idéologies des régimes qui avaient implosé, la démocratisation a fait long feu dans de nombreux pays. Dans « L’Anti-démocratie au XXIe siècle. Iran, Russie, Turquie », qui vient de paraître aux Editions du CNRS, l’historien et sociologue Hamit Bozarslan s’intéresse à trois pays aux caractéristiques et aux histoires singulières, mais qui ont en commun la détestation de la démocratie occidentale, le culte systémique de l’homme fort ou du guide suprême, et la profonde nostalgie d’un passé impérial plus ou moins ancien – les Empires ottoman et perse, et l’Empire russo-soviétique. Nous reviendrons plus longuement sur l’essai de Bozarslan. Nous renvoyons, en attendant, à deux entretiens de l’auteur, accessibles sur l’internet :


Entretien des « Midis de l’IREMMO », le 15 octobre 2021 (mis en ligne le 23 novembre), avec Dominique Vidal, durée 90’: https://iremmo.org/rencontres/midis/lanti-democratie-au-xxie-siecle-iran-russie-turquie/


Entretien de la revue Esprit avec Bozarslan, le 26 novembre 2021, avec Anne-Lorraine Bujon, directrice de la rédaction d’Esprit, durée 47’: https://www.franceculture.fr/conferences/revue-esprit/lanti-democratie-au-xxie-siecle-iran-russie-turquie


NOTE /

1 Fukuyama publie d’abord un article à l’été 1989, qu’il développe dans un essai à succès en 1992, centrés sur le concept de « fin de l’histoire », apparu dans la pensée de Hegel, critiqué par Marx, puis repris ultérieurement par plusieurs philosophes du politique et de l’histoire, dont Alexandre Kojève. Pour Fukuyama, l’Histoire s’achèvera le jour où un consensus universel sur la démocratie libérale mettra un point final aux conflits idéologiques: il estime que la fin de la guerre froide va permettre cette évolution, ouvrant un débat médiatique de quelques années. Avant que les événements et la géopolitique n’invalident (très) rapidement cet optimisme libéral – s’il fallait deux dates symboliques, d’ailleurs toutes deux connectées au Moyen-Orient, on pourrait retenir et les attentats du 11 septembre 2001, et la calamiteuse coalition américaine de 2003 contre l’Irak. Fukuyama a ultérieurement fait son autocritique… : FUKUYAMA Francis, « The end of History? », The National Interest (tr.fr.: « La Fin de l’histoire? », Commentaire no 47, automne 1989: puis: The End of History and the Last Man, Free Press, 1992 (tr.fr.: La Fin de l’histoire et le Dernier Homme, Flammarion, 1992).