La chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah a été arrêtée à Téhéran le 5 juin 2019: deux ans plus tard, notre collègue est toujours privée de liberté, otage parmi d’autres du régime iranien. Sociologue et anthropologue, spécialiste du chiisme et de l’Iran post-révolutionnaire à Sciences Po Paris, Fariba Adelkhah, âgée de 62 ans, a été condamnée lors d’une parodie de procès à cinq ans de prison en mai 2020 pour « menace à la sûreté nationale » et « propagande contre le système». Ses procureurs avaient finalement renoncé à la grotesque accusation « d’espionnage ». Elle a passé plus d’un an à la prison d’Evin à Téhéran, avant d’être assignée à résidence en octobre 2020 , sous bracelet électronique.
L’Iran retient en prison plus d’une douzaine d’Occidentaux, pour la plupart binationaux – la nationalité iranienne est la seule retenue par Téhéran, ce qui complique évidemment les interventions diplomatiques et consulaires. Ces arrestations et condamnations sont un moyen de faire taire les chercheur.e.s étrangers, et d’intimider aussi les Iraniens eux-mêmes. Eventuellement d’obtenir des concessions dans des négociations diplomatiques. Mais surtout de disposer en permanence de monnaies d’échange contre des Iraniens condamnés pour des activités d’espionnage, des violations d’embargos internationaux ou des menées terroristes.
Le chercheur africaniste Roland Marchal, arrêté en même temps que Fariba Adelkhah en juin 2019, et également initialement accusé d’espionnage, a ainsi été échangé en mars 2020 contre un ingénieur iranien détenu en France et menacé d’extradition vers les Etats-Unis. La jeune universitaire anglo-australienne Kylie Moore-Gilbert, spécialiste du Moyen-Orient, avait été arrêtée en septembre 2018 à l’aéroport de Téhéran après avoir participé à une conférence académique. Elle avait été condamnée à dix ans de prison comme « espionne de double nationalité travaillant pour le compte du régime sioniste », pour reprendre la terminologie officielle. Après 800 jours de détention (dont plusieurs mois en isolement, avec pressions psychologiques, et chantage à la libération si elle acceptait d’espionner pour Téhéran), elle a été échangée en novembre 2020 contre trois Iraniens emprisonnés en Thaïlande après une tentative manquée d’assassinat de diplomates israéliens en 2012. On sait qu’actuellement l’Iran entend obtenir la libération d’Assadolkah Assadi, un diplomate iranien récemment condamné en Belgique à vingt ans de prison pour un projet d’attentat à la bombe en France en 2018 contre une réunion d’opposants au régime de Téhéran. Lequel pratique donc depuis ses origines une politique des otages qui ne contribue pas peu à son image détestable à l’international.
Pour marquer le 2e « anniversaire » de son arrestation, le portrait de Fariba Adelkhah sera dressé, samedi 5 juin, sur la façade de la mairie de Paris .
> Iran : la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah prisonnière depuis deux ans
