Production de masques médicaux dans un atelier de Rasht (sur la mer Caspienne) (Source: https://ar.irna.ir/photo/83690056/, sur le fil arabe)
NB/ Ce texte repose sur les informations disponibles à la mi-mars sur les sites iraniens.
[Actualisation du 13/3: la ville de Rasht et ses environs (province du Gilan, riveraine de la Caspienne) ont été l’un des premiers clusters du coronavirus avec Qom (sud de Téhéran), avec des décès dès février parmi un personnel médical sans moyens de protection. Le photoreportage de l’agence officielle IRNA sur la fabrication de masques à Rasht, édité le 24 février sur les fils persan, arabe, turc et russe, entend donc implicitement à dissimuler les difficultés du système médical, et contrer les interrogations et les critiques qui sont apparues dès la mi-février à l’hôpital de Rasht...]
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La population iranienne est très durement frappée par l’épidémie de coronavirus Covid-19. L’Iran serait dès la fin février le deuxième pays au monde le plus touché après la Chine, en particulier par un nombre de décès rapportés incohérent par rapport aux chiffres officiels du nombre de personnes contaminées. C’est à peine si le mot de coronavirus est apparu dans des déclarations à l’avant-veille du scrutin, essentiellement d’ailleurs pour affirmer que l’Iran en était exempt. Il a donc fallu attendre le lendemain des élections législatives du 21 février pour que le régime reconnaisse l’existence de cas de contamination, désormais impossibles à cacher puisque des officiels de plus haut niveau ont été atteints, et que quelques-uns en sont morts. Le 3 mars, le Guide suprême, en marge de la Semaine annuelle de la nature et de la Journée de l’arbre 1, a appelé à la mobilisation générale contre l’épidémie, et les Iraniens à faire confiance aux autorités pour cela 2. Ajoutant que celles-ci ont été « dès le début transparentes » sur le développement de l’épidémie. Compte-tenu du mode de fonctionnement du régime, dont l’opacité de la répression de la « crise de l’essence » en novembre 2019, et le mensonge sur la chute du Boeing ukrainien début janvier 2020 sont encore dans toutes les mémoires, ces paroles du Guide attestent en soi de l’existence de sérieuses difficultés : le scepticisme immédiat des Iraniens sur l’ampleur de l’épidémie (et de sa létalité) telle qu’elle est chiffrée par le pouvoir ; la conviction largement partagée que le pouvoir a cherché à cacher l’épidémie à ses débuts, à des fins électoralistes ; le doute, de plus en plus étayé par les faits, sur la capacité des structures médicales du pays à faire face au problème, non pas faute de dévouement des personnels, mais par manque criant de moyens liés à la fois à l’incurie bureaucratique et à la corruption, et aux pénuries provoquées par les sanctions américaines, etc. Les historiens savent depuis longtemps que les crises sanitaires sont de puissants révélateurs politiques et sociétaux. Au même titre que la Chine de Xi Jinping, l’Iran du Guide Ali Khameneï nous en offre depuis quelques semaines nombre d’illustrations. Première approche thématique provisoire début mars, sans aucune prétention à l’exhaustivité d’une situation mouvante.

Pas de coronavirus avant l’élection !
Il est maintenant certain que lee régime chinois a dissimulé pendant des semaines l’apparition (dès novembre 2019?) puis la diffusion (dès la fin de l’année 2019) de l’épidémie de covid-19, en réprimant les lanceurs d’alerte (au tout premier chef les médecins et personnels soignants de Wuhan, aux premières loges pour constater les ravages d’une forme de « nouveau SRAS »), en censurant médias et réseaux sociaux, et en niant d’abord, en minimisant ensuite, l’existence d’un nouveau virus. Avant de prendre à bras-le-corps l’épidémie, et en jouant la transparence vertueuse avec une radicalité que seul un régime autoritaire et répressif peut imposer à ses populations. Le régime iranien a procédé de même : silence, puis dénégation, puis relativisme, puis prise de conscience de l’ampleur du problème et mise en œuvre de mesures sanitaires -tout en continuant à publier des chiffres incohérents (par rapport aux autres foyers majeurs, décalage statistique entre une forte létalité et un nombre anormalement faible de cas infectieux) : « clarté, sincérité et transparence » a revendiqué le Guide le 3 mars…
Comme ils le font lors de toutes les crises majeures (tremblements de terre, inondations), les Gardiens de la révolution sont entrés tardivement, mais ostensiblement, dans la lutte sanitaire, en déployant par exemple des matériels de décontamination. Allant même jusqu’à annoncer au plus haut niveau le passage imminent en phase clinique d’un vaccin contre le coronavirus élaboré dans leurs laboratoires (ce qui a été immédiatement démenti par l’organisme officiel en charge des autorisations en ce domaine). Les Gardiens ont également annoncé la mise en production prochaine de kits de test, dont la pénurie en Iran est un facteur et d’inquiétude de la population, et de diffusion du virus. Puis ont annoncé l’invention d’un système électro-magnétique (sic) permettant de détecter le virus avec une simple antenne portée à bout de bras… A l’évidence, les Gardiens cherchent à faire oublier leur responsabilité et leur mensonge dans l’épisode du Boeing ukrainien début janvier. Mais ils sont, dans le cas d’espèce, soupçonnés de participer activement à la dissimulation officielle de la létalité de l’épidémie.
Au-delà de la propension au mensonge qui est consubstantiel aux régimes autoritaires et non démocratiques, plusieurs explications politiquement rationnelles possibles au silence et aux dénégations initiales:
– comme dans la presque totalité des Etats de la planète, le régime n’a pas pris conscience de la dimension qu’allait prendre la pandémie à partir du « virus chinois » [selon la formule répétitive du président Trump]. Sur ce plan, on n’imputera pas au régime de Téhéran des comportements relevés partout dans le monde, y compris dans toutes les démocraties occidentales. Seuls quelques voisins de la Chine – Corée du sud, Taïwan, Singapour- dont on remarquera qu’ils sont démocratiques (avec un bémol pour Singapour) ont pris très tôt des mesures de dépistage et de contrôle des populations qui ne sont pas nécessairement transposables dans d’autres sociétés;
– il faillait ne pas gêner les commémorations de la révolution le 11 février ;
– et surtout, il importait ne pas décourager les électeurs d’aller voter, alors qu’il était assez évident que l’élimination de nombreux candidats à la candidature, parmi lesquels une majorité de « réformateurs » et autres modérés, ajoutée au découragement d’une population confrontée à une situation économique et sociale calamiteuse, allait se traduire par un faible taux de participation. Ce qui a été le cas dans des proportions inattendues (cf. notre post du 23 février). Mais on n’oubliera pas que la France a, elle aussi, maintenu le 1er tour de ses élections municipales, avant de décréter le confinement de la population 24 heures plus tard…
La campagne électorale a été brève, et tous les conservateurs et principalistes ultra-conservateurs, ont multiplié les appels à la participation. Et quelques jours encore avant les élections de hauts responsables n’évoquaient que quelques cas de contamination, alors que l’épidémie avait explosé depuis des semaines dans certaines régions (surtout à Qom, ville de pèlerinages ; et au Gilan et au Mazandaran, au bord de la Caspienne, région de villégiature des Téhéranais) . Le Guide Ali Khameneï a qualifié la maladie de « prétexte » utilisé par « les ennemis de l’Iran » à des fins de propagande pour « décourager les gens d’aller voter ». La prise de conscience par les électeurs de l’ampleur de l’épidémie aurait pu les décourager de se rendre dans les bureaux de vote, ce que la manipulation préalable des listes de candidature justifiait déjà. Sur les photographies de propagande des files d’électeurs faisant la queue pour voter, ou des bureaux de vote eux-mêmes, on relève cependant que beaucoup d’Iraniens et d’Iraniennes portent déjà un masque. L’un des problèmes du régime, qui ne cesse de s’aggraver, est le peu de confiance que de très nombreux Iraniens accordent au pouvoir, discrédité par ses mensonges réitérés, sa violence répressive récurrente et sa corruption systémique.

Les dirigeants surreprésentés parmi les contaminés
L’une des spécificités de l’épidémie iranienne à ses débuts est le nombre important de dirigeants infectés par le coronavirus. La cas initial le plus retenu en Iran et à l’étranger est celui du vice-ministre de la Santé Iraj Harirchi qui, lors d’une conférence de presse télévisée en direct sur l’épidémie le 26 février, était visiblement fébrile, s’essuyant le visage avec son mouchoir, et toussant abondamment. La vice-présidente Massoumeh Ebtekar, ministre en charge des Femmes et des Affaires familiales, et ancienne professeur d’immunologie, a également été infectée 3. Or, on l’a vue peu auparavant siégeant au conseil des ministres à proximité du président Rohani. Cinq personnalités sont décédées, dont la plus connue est Mohammed Mirmohammad, 71 ans, membre du Conseil de discernement – une assemblée chargée de conseiller le Guide de la révolution –, décédé le 2 mars. Le député Mohammad Ali Ramezani, fraîchement élu de la ville de Astaneh Ashrafiyeh (nord), et l’ancien ambassadeur d’Iran au Vatican, Hadi Khosroshahi, figurent également parmi les officiels morts des suites de leur contamination au coronavirus. Les cas de personnalités touchées et décédées, politiques et Gardiens, n’a ensuite cessé de croître, y compris dans le proche entourage du Guide.

Un complot (biologique) de l’étranger, évidemment
Depuis 1979, et à l’image de nombreux pays de la région, le complotisme se porte bien dans la République islamique, entretenu par la paranoïa de certaines institutions, au premier rang desquelles les pasdaran. Le premier réflexe en cas de difficulté(s) est toujours d’imputer à d’improbables « complots de l’étranger » (dans l’ordre : des Etats-Unis, d’Israël, de la France, du Royaume-Uni, etc.) les événements qui gênent le pouvoir, en interne (les manifestations de la mi-novembre lors de la «crise de l’essence » ; les premières hypothèses étrangères de frappes de missiles lors de l’accident du Boeing ukrainien en janvier, par ex.), ou à l’échelle régionale (les manifestations en Syrie en 2011-2012 ; le mouvement contestataire en Irak depuis 2015, et plus encore depuis l’automne 2019, imputé à des « chiites d’ambassades [étrangères] », etc.).
Le coronavirus n’y a évidemment pas échappé. Quand les médias étrangers se sont étonnés que l’Iran soit exempt du virus alors que celui-ci commençait à se mondialiser, la thèse du complot pour déstabiliser la République islamique a été largement développée dans les médias aux ordres. Mais il est plus surprenant que, alors même que le Guide lui-même appelle le 3 mars à la mobilisation générale contre l’épidémie sans contester ni sa réalité, ni sa dimension planétaire (y compris donc aux Etats-Unis), il se trouve de hauts responsables pour continuer à développer la thèse du complot biologique américain contre l’Iran… et la Chine : ainsi le brigadier-général des Gardiens de la révolution et chef de la Défense civile iranienne Gholam Reza Jalali, relayé par l’agence chiite ABNA , basée à Qom. On remarquera, dans le même ordre d’idées, que Pékin a lancé une vaste offensive propagandiste, via son réseau diplomatique, pour entretenir et la négation de l’origine chinoise du virus, et la thèse du complot biologique ourdi à Washington…
Un analyste faisait récemment observer qu’à la différence des diplomates iraniens de carrière, ayant souvent fait leurs études aux Etats-Unis ou en Europe, en maîtrisant les langues et les codes (dont le prototype est l’actuel ministre des Affaires étrangères, le très affable et intraitable Mohammed Javad Zarif) , et à la différence aussi de nombreux Iraniens ouverts au monde par leurs études, l’internet et les réseaux sociaux, la quasi totalité des dirigeants principalistes (ultra-conservateurs), clercs ou laïcs, et des officiers supérieurs des Gardiens de la révolution (souvent d’origines sociales modestes) n’avaient pas quitté l’Iran depuis la Révolution de 1979, sinon pour aller combattre sur des fronts régionaux (Irak, Syrie, Yémen). Pour des raisons idéologiques ou parce qu’ils en étaient interdits par les sanctions diverses, ils n’ont jamais mis les pieds en Occident. Leur formation idéologique et de terrain est celle de la révolution et de ses phases de violence et de contestation du régime (1979-1981, 1989, 1999, 2009, etc.), la guerre Irak-Iran (1980-1988), les interventions américaines au Moyen-Orient à dimension anti-iranienne (sous G.W.Bush, sous G.Trump), et les menaces israéliennes. Des expériences qui, dans un système non démocratique et non concurrentiel, sont un terreau propice au complotisme, et parfois à une franche paranoïa. Et les incitent à maintenir autant que possible l’Iran dans un vase hermétiquement clos, au nom de « la lutte contre les ingérences étrangères »… Récemment libéré des geôles des Gardiens à la prison d’Evin, à Téhéran, notre collègue Roland Marchal a souligné à plusieurs reprises cette paranoïa anti-occidentales de ses interrogateurs pasdarans.

Fermer les mausolées de Qom ? La foi contre la science
L’intensité des relations aériennes entre l’Iran et la Chine (entretenue par les nombreux vols de la compagnie Mahan Air, qui appartient aux Gardiens de la révolution, explique sans doute l’irruption initiale de la pandémie à Téhéran. Mais il semble aussi à peu près acquis que l’un des principaux épicentres initiaux de l’épidémie en Iran dans les premières semaines ait été la ville de Qom, centre religieux majeur du pays (avec Meched) , avec ses innombrables édifices cultuels (dont le vaste mausolée de Fatima Massoumeh),et ses multiples écoles de théologie. Et surtout centre international vibrionnant de pèlerinage chiite, qui semble depuis longtemps vouloir concurrencer en nombre de pèlerins La Mecque, et Najaf et Kerbala. La ville accueille tout au long de l’année, et plus encore lors des grandes fêtes chiites (achoura, arbeïn) , des millions de pèlerins qui viennent de tout le monde chiite (Indiens, Pakistanais, Afghans, Irakiens, Libanais, chiites du Golfe, etc.). Les pèlerins, hommes et femmes, se pressent pour toucher et embrasser le moucharabieh métallique qui enclot la tombe de Massoumeh. On comprend, bien évidemment, qu’une telle centralité de pèlerinage soit propice à la diffusion des maladies et des épidémies.
Dans l’affaire du coronavirus, on a assisté à un double bras de fer.
D’une part entre les autorités de Téhéran et certains acteurs politiques locaux. Le 24 février, alors qu’à Téhéran, on cherchait initialement à minimiser au maximum le nombre de contaminés et de morts (les autorités confirmaient douze décès dans tout le pays), le député de Qom Ahmad Amirabadi Farahani, a contredit à grand bruit les chiffres officiels, faisant état d’une cinquantaine de morts dans cette seule ville dont il demandait la mise en quarantaine. Cité par l’agence officielle ILNA, il n’a pas hésité à accuser les autorités de masquer la vérité et de mentir à la population. D’après lui, le virus s’est déclaré à Qom début février, bien avant les premières annonces officielles. D’autres élus de l’agglomération de Qom sont allés dans le même sens.
D’autre part, entre certaines autorités religieuses conservatrices de Qom, qui se sont démenées pour que la mausolée principal et les édifices religieux de Qom restent ouverts ; et les autorités de Téhéran (y compris de nombreux clercs), qui ont cherché dans un deuxième temps à appliquer à Qom les mêmes règles de fermeture et de confinement qu’ailleurs. Le compromis trouvé a consisté à des opérations ostentatoires de désinfection des locaux, et à imposer des précautions aux pèlerins et autres usagers des édifices religieux. Mais on peut estimer que Qom l’a localement plutôt emporté sur Téhéran : la ville n’a pas été mise en quarantaine, et pas même le vaste ensemble du mausolée. Au nom d’arguments religieux clairement anti-scientifiques, que l’on pourrait résumer en : « la foi suffit à tuer les microbes »… Sans parler de charlatans de tous acabits, dont certains clercs, qui se réclament de « la vraie médecine islamique » pour proposer des « remèdes-miracle » provoquant la risée amère des réseaux sociaux.
Alors qu’au même moment ; le Guide et ayatollah Khameneï met en avant les compétences scientifiques et le dévouement des médecins, des infirmières et des autres personnels hospitaliers. Et ajoute : « «les ordres [sanitaires] ne doivent pas être ignorés, car Dieu nous a obligés à nous sentir responsables de notre santé et celle des autres.» Décision exceptionnelle, Téhéran suspend début mars les grandes prières du vendredi dans la capitale et dans une vingtaine d’autres villes, et le Guide renonce à son traditionnel message du nouvel an (nowrouz) délivré depuis le mausolée de Meched.
Finalement, les mausolées de Qom et de Meched entrent dans une situation d’entre-deux: ils restent ouverts sous la pression d’une partie des religieux et de leurs soutiens politiques radicaux; et sont ostensiblement désinfectés au quotidien. Mais aucune mesure de quarantaine n’y a été décrétée.

L’exportation du virus chiite, et l’isolement de l’Iran
La centralité de l’Iran (en particulier par Qom et Meched) dans le chiisme duodécimain régional, en concurrence avec les villes saintes du chiisme en Irak (Najaf et Kerbala) explique que le pays ait été un centre de diffusion du coronavirus dans toute la région. Si l’on en croit les pays voisins, la plupart des premiers cas détectés en Irak, dans le Golfe (Koweït, Bahreïn, Arabie saoudite, Emirats, Oman), au Pakistan et en Afghanistan, étaient des ressortissants nationaux rentrant d’Iran, le plus souvent au retour d’activités religieuses et de pèlerinage. Manama a donc interdit à ses ressortissants participant à des pèlerinages en Iran de rentrer au pays. Et Riyad a mis en quarantaine la région orientale d’Al-Qatif, épicentre de la communauté chiite saoudienne. C’est là une illustration inattendue du transnationalisme chiite, que les historiens et les politistes ont beaucoup étudié. Mais un classique, du point de vue de l’histoire, de la dissémination par les pèlerins des épidémies tout au long de leurs périples.
Le retour de bâton a été la fermeture des frontières par tous les Etats frontaliers de l’Iran, de la Turquie au Pakistan, de l’Arménie à l’Irak ; et la fermeture des lignes aériennes desservant l’Iran. Le coronavirus se révèle plus efficace que les sanctions de Donald Trump pour isoler l’Iran, et lui imposer une forme de retour à l’isolement total de la République islamique dans sa première décennie.

L’aide chinoise (ci-dessus) et l’aide française (avec l’ambassadeur de France, ci-dessous), réceptionnées à Téhéran
Accepter ou refuser les offres d’assistance extérieures ?
Comme lors de grandes catastrophes naturelles (tremblement de terre de Bam en 2003 ; grandes inondations en 2019) , des institutions internationales onusiennes ont proposé leur aide technique et financière à l’Iran contre l’épidémie (OMS), ainsi que l’Union européenne et certains Etats (l ‘UE3: France, Allemagne, Royaume-Uni), et des ONG (MSF, en mars, autorisée à installer un hôpital mobile à Ispahan, avant que l’autorisation ne soit annulée le 24 mars, vraisemblablement sous la pression des Gardiens de la révolution, structurellement hostiles à toute présence étrangère en Iran). L’ambassadeur de France a réceptionné les envois de Paris le 4 mars, en présence des médias iraniens.

Les Etats-Unis ont proposé leur aide. La seule condition étant que Téhéran devait en faire la demande à Washington. Le régime, et peut-être une partie des Iraniens ont très peu apprécié la conditionnalité américaine, et ont réactivé, une fois de plus, une campagne anti-américaine. En dénonçant, à raison, l’impact des sanctions de Washington. Car, malgré les exceptions humanitaires intégrées aux textes organisant les sanctions américaines contre l’Iran, celles-ci compliquent lourdement la tâche des entreprises et des organisations étrangères qui voudraient fournir à l’Iran du matériel médical contre l’épidémie de coronavirus ; et empêchent Téhéran de régler des commandes de matériels et de médicaments à l’étranger -aucune banque occidentale ne voulant se risquer à opérer des transactions avec l’Iran.
En revanche, le régime de Téhéran a fait grand cas de ses relations avec la Chine dans cette crise épidémique partagée (voir notre post du 14 mars 2020) .
Transgressions
Depuis les cent nouvelles du Decameron de Boccace (écrites dans le contexte de la pandémie de peste noire qui a ravagé le monde eurasiatique au milieu du XIVe siècle tuant, selon les régions, entre un tiers et la moitié de la population), on sait que les grandes épidémies sont propices à la transgression des normes des pouvoirs, politiques ou religieux. L’Iran semble l’illustrer parfois. Alors que les pénuries d’équipements sont importantes dans nombre d’hôpitaux, et que la danse mixte est interdite en Iran, un «défi de la danse» a été lancé sur certains réseaux sociaux. Du coup, on voit apparaître des personnels médicaux, hommes et femmes, danser en portant leurs masques et leurs combinaisons, ce qui leur permet de dissimuler leur identité.
SOURCES
Revues de presse des agences et médias iraniens en différentes langues (Tasnim, IRNA, ILNA, ABNA, IFP, PressTV, etc.) et de la presse internationale.
NOTES
1 / Il plante chaque année quelques jeunes arbres pour l’occasion.
2 /TASNIM (proche des Gardiens de la révolution), 3/3/2020 : https://www.tasnimnews.com/en/news/2020/03/03/2216023/leader-highlights-iran-s-transparency-about-coronavirus-response
3/ C’est une personnalité bien connue pour avoir été la traductrice et porte-parole des « Etudiants de la ligne de l’Imam [Khomeyni] » qui, en novembre 1979, ont envahi l’ambassade américaine, et ont pris en otages pour 444 jours des dizaines de diplomates américains. Comme telle, « Screaming Mary » (son surnom dans les médias américains en 1979) est sur les listes noires de Washington. Elle a été ministre de l’Environnement sous le président Khatami, puis à nouveau lors du premier mandat du président Rohani.


Le bilan officiel quotidien par province le 1er mars 2020 et ci-dessous au 4 mars (sources: IRNA & IFP). Il est jugé très sous-évalué par nombre d’experts.
