Extrait de l’éditorial de Guillaume Fourmont:

« L’Arabie saoudite et l’Iran ont gagné. À force de répéter que le Moyen-Orient est divisé selon des critères religieux, surtout entre sunnites (hanbalites wahhabites) et chiites (duodécimains), la prophétie s’est réalisée. Alors que cela est historiquement, géographiquement et démographiquement faux, les deux puissances ont réussi à imposer cette grille de lecture à toute question du monde arabo-islamique, laissant les intérêts géopolitiques régionaux guider toute initiative, faisant oublier des populations en quête de pain et de démocratie. Ce pour quoi finalement elles s’étaient soulevées en 2011. (…) Entre-temps, un monstre est né de cette guerre froide saoudo-iranienne : l’organisation de l’État islamique ou Daech, en arabe, dont les racines étaient pourtant bien visibles depuis le déclenchement de la guerre en Irak en 2003. Considéré aux yeux du monde comme un mouvement terroriste, cet « État », autoproclamé « califat » en juin 2014, n’est plus seulement cela. (…) Daech a réussi un tour de force en un temps record : devenir un acteur légitime en rendant la guerre « attractive et séduisante », sur une base idéologique religieuse (ou supposée) étrangère aux pays où ses combattants l’imposent. »

> « Bilan géostratégique 2015 » Moyen-Orient  no 27, juillet-septembre 2015, avec des fiches-pays de Jean Marcou (Turquie) et de Jean-Paul Burdy (Bahreïn et Oman)


Le sultanat d’Oman en 2015

Le sultan Qabous bin Said Al Said, 74 ans, est rentré à Mascate le 23 mars 2015, après plus de huit mois de traitement médical en Allemagne. Si ce retour a rassuré les Omanais, la question de la succession du sultan demeure. La croissance économique pâtit de la chute du prix du baril de pétrole.  Alors que le sultanat continue à mener une diplomatie régionale prudente, le risque d’un débordement du conflit yéménite sur la province du Dhofar n’est pas négligeable

Incertitude politique et essoufflement économique

Pour la première fois depuis 1970,  année de son accession au pouvoir, le sultan n’était pas dans le pays le 18 novembre, jour de la fête nationale. Or, « le père de la nation », sans héritier direct, ni successeur désigné, est omnipotent : chef de l’Etat et premier ministre, il contrôle aussi les ministères régaliens : défense, intérieur, affaires étrangères, finances. N’ayant pas délégué de prérogatives, il a continué à gouverner par décrets depuis l’Allemagne. La  question de sa succession est dès lors un motif d’inquiétude, et d’éventuelle fragilisation d’un régime « autocratique éclairé ».

L’Etat tire 80 % de ses revenus du million de barils de pétrole produit par jour. Avec l’effondrement des cours du brut (moins 50 % en un an), la croissance économique est ralentie. Le budget 2015 a prévu un déficit de 6,47 milliards de dollars (8% du PIB), dans lequel les dépenses courantes représentent 68% des dépenses publiques, et les investissement seulement 23 %.  Certains grands projets d’infrastructures risquent donc d’être ralentis ou reportés, notamment celui de la zone franche du port de Duqm (côte sud). Le sultanat entend cependant occuper, à terme, une place accrue dans les enjeux pétroliers et gaziers régionaux :  Duqm ambitionne de devenir le principal terminal terrestre pour le pétrole et le gaz du Golfe, un hub énergétique et portuaire permettant d’éviter le passage maritime par le détroit d’Ormuz.

Avec une ouverture accrue aux investissements étrangers, la diversification de l’économie se poursuit dans le secteur gazier, la pétrochimie, les banques, et par le développement du tourisme: le nouveau terminal de l’aéroport de Mascate pourra accueillir 12 millions de passagers en 2016 (8 millions en 2014). Cependant, alors que la contribution des travailleurs immigrés reste massive,  la diversification et « l’omanisation » du marché du travail restent insuffisantes pour employer une jeunesse nombreuse (40 % de la population a moins de 15 ans). Les Emirats arabes exercent donc une forte attractivité sur la main-d’oeuvre et la jeunesse omanaises. Les racines de la contestation sociale de 2011, chômage, corruption, inégalités sociales, n’ont pas véritablement trouvé de solutions. Pendant la longue absence du sultan, l’appareil sécuritaire a donc resserré sa veille. A l’instar de Koweït et de Bahreïn,  une loi adoptée en 2014 autorise le retrait de nationalité à toute personne qui « travaille contre les intérêts du sultanat .»

Une « diplomatie de petit Etat » spécifique

Fort de sa position stratégique et du parapluie américain, le sultanat a poursuivi sa « diplomatie de petit Etat », théorisée en 2003 : bon voisinage, intermédiation, non-engagement dans les conflits. Dans le contexte d’une rivalité de puissance croissante entre l’Arabie saoudite et l’Iran, Mascate continue d’entretenir de bonnes relations avec Téhéran, renforçant même ses coopérations militaire (co-gestion du détroit d’Ormuz) et économique. L’accord énergétique acté lors de la visite du président iranien Hassan Rohani à Mascate, en mars 2014, prévoit la livraison par l’Iran pendant 25 ans de 10 milliards de m3 de gaz,  un gazoduc reliant les gisements iraniens au port omanais de Sohar, et plusieurs plate-formes pétrochimiques, à coûts partagés. Ayant abrité les discussions secrètes entre Washington et Téhéran début 2014, Mascate déclare se réjouir d’un possible accord sur le nucléaire iranien en 2015. 

Au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG), tout en soutenant la coopération économique et la solidarité mutuelle, Oman a toujours défendu sa propre voie. En appelant à une sécurité régionale partagée par tous les riverains arabes, mais aussi par l’Iran, Oman entend trouver à Téhéran un contrepoids à un hégémonisme saoudien qui hante la plupart des Etats du Golfe. En 2011, Mascate n’a pas envoyé de contingent réprimer la contestation à Bahreïn ; a rejeté en 2013 un projet saoudien d’intégration régionale; a refusé en 2014 de s’associer à des sanctions contre le Qatar.   En 2014, le sultanat est resté à l’écart de la coalition menée par les Américains contre l’Etat islamique, et n’entend pas participer en 2015 à la coalition menée par l’Arabie saoudite contre les houthistes du Yémen.   Gardant la mémoire du soutien du Sud-Yémen à la guérilla sécessionniste dans sa province du Dhofar (sud-ouest, 1965-1975),  le sultanat suit avec inquiétude  la déliquescence de l’Etat yéménite depuis  2011, la prise de Sanaa par les houthistes chiites à l’été 2014, leur main-mise sur le pouvoir politique début 2015, les bombardements de la coalition saoudienne depuis mars 2015 : car l’irrédentisme d’Aden et du Hadramaout s’est réveillé ; le centre est aux mains de tribus incontrôlées ; Al-Qaeda dans la Péninsule arabique (AQPA) a élargi son emprise sur les provinces orientales. Mascate a donc renforcé la surveillance déjà étroite de sa frontière yéménite, pour parer à tout débordement du conflit sur son territoire. Il y a désormais là une menace sécuritaire d’importance pour le sultanat.

Bahreïn en 2015

1/ Politique intérieure et économique

Le climat est toujours aussi délétère dans le petit royaume. Depuis la mobilisation pour et contre les élections législatives de novembre 2014, le royaume semble tombé dans l’immobilisme politique et le pourrissement, résultant de la légitimité très relative des nouveaux élus (compte tenu d’un appel au boycott de la consultation par l’opposition, très suivi dans les bastions chiites), et de la répression accrue contre les opposants, liée à leur appel au boycott.

Les législatives de novembre 2014 ont été boycottées par l’opposition chiite. Le redécoupage des circonscriptions électorales a permis au régime d’éliminer une bonne partie des élus sunnites sortants, affiliés  pourtant aux partis pro-régime (salafistes pro-saoudiens, Frères musulmans). La plupart des nouveaux élus sont donc jeunes, peu politisés, et semblent avoir facilement été pris en mains par le pouvoir. La chambre basse brille donc par sa faible activité législative et sa non-visibilité,  laissant le champ libre au régime.

Comme ses voisins, le royaume, même si c’est le premier émirat post-pétrolier du Golfe, souffre de la baisse du prix du baril de pétrole. L’Etat a relancé des programmes économiques, dans l’espoir sans doute que cela compenserait le blocage politique. Manama a obtenu des prêts importants de certains de ses partenaires du CCG, en particulier du Koweït et des Emirats arabes. Ils ont permis d’une part, de compenser la fuite de capitaux nationaux vers Doha, Abou Dhabi et Dubaï depuis 2011, d’autre part, de relancer de vastes programmes immobiliers, à la fois résidentiels et d’affaires, sur les terrains conquis sur la mer, et dans l’île. Cette politique de relance économique planifiée est pilotée par le prince héritier Salman, comme il l’vait fait dans les années 2000 quand il présidait l’Economic Development Board (EDB) avec une équipe de jeunes technocrates dynamiques. Le royaume a aussi entrepris de relancer une fréquentation touristique haut de gamme en berne depuis 2011, autour du Grand prix de Formule 1, de tournois sportifs (tennis, équitation), d’un festival Printemps de la culture, etc. : la multiplication des hôtels haut de gamme souffre toutefois d’une sous-fréquentation, à la fois par la persistance des tensions, et à cause de la concurrence des émirats voisins -Qatar, et surtout Dubaï et Abou Dhabi, dont l’attractivité internationale, appuyée sur des aéroports en pleine croissance, est de plus en plus forte .

Mais cette ouverture économique n’est accompagnée d’aucune ouverture politique, le prince héritier étant tenu à l’écart du pouvoir politique décisionnel, toujours verrouillé par les tenants de la ligne dure au sein de la famille régnante. Du coup, le seul espoir de changement caressé par certains repose sur la disparition possible de l’inamovible premier ministre Khalifa ben Salman Al-Khalifa, en poste depuis 1971. Oncle du roi, figure de proue de la ligne des durs pro-saoudiens, le premier ministre est fragilisé par la maladie. Le problème est que sa disparition est annoncée depuis des années…

2/ La répression

Les affrontements de rue dans les « villages chiites » paraissent avoir diminué d’intensité et de fréquence, même si des accrochages sporadiques persistent, par exemple pour le 4e anniversaire du 14 février 2011 a été commémoré malgré l’interdiction de tout rassemblement. Traditionnel temps fort de la mobilisation de l’opposition, le Grand prix de Formule 1 d’avril  2015 s’est déroulé sans menaces ni manifestations. Le déploiement policier s’est allégé, au profit de la systématisation de la télésurveillance, en particulier sur tous les axes routiers, avec lecture automatique des plaques d’immatriculation. Le modèle britannique de surveillance a été adapté localement.

Il est de plus en plus difficile aux opposants de se faire entendre, même pour les « légalistes », car presque tous sont tombés dans les filets de la répression policière et judiciaire. Plus personne n’est épargné.

Les figures de la défense des droits de l’homme ont été arrêtés, et ceux qui ont été jugés ont écopé de lourdes peines de prison, rejoignant ainsi les 3500 prisonniers politiques recensés (pour une population nationale de 660000 personnes).

La figure emblématique est celle de Nabeel Rajab, président du Centre bahreïni pour les droits humains, condamné en mai 2015  à 6 mois de prison pour avoir insulté les institutions gouvernementales sur twitter -en réalité des interrogations sur le rôle des services de sécurité dans le départ de djihadistes bahreïnis pour rejoindre l’Etat islamique en Irak et en Syrie . Cette peine s’ajoutant à d’autres déjà prononcées ou à venir pour des chefs d’accusation comparables, pour lesquels il encourt jusqu’à 10 ans de prison. Il est également poursuivi pour avoir commenté sur twitter l’intervention de la coalition saoudienne au Yémen. Un autre militant connu des droits de l’homme,  Hussain Jawad, président de l’European-Bahraini Organisation for Human Rights -EBOHR a été arrêté en février 2015. Hussain Jawad est le fils de Mohammad Hassan Jawad, qui purge une peine de 15 ans d’emprisonnement à la prison de Jaw après avoir été condamné en même temps que douze autres militants de l’opposition –un groupe que l’on surnomme «Bahreïn 13», et qui comprend également le célèbre activiste Abdullah al-Khawaja,,  le père de deux activistes Maryam et Zainab.

A défaut d’avoir dissous le grand parti d’opposition chiite Al-Wefaq (mais la menace, ancienne, pourrait être mise à exécution à tout moment), le mouvement a été  interdit trois mois fin 2014 pour manquements à la loi sur les associations politiques (en réalité l’appel au boycott des législatives), et a perdu une bonne partie de ses dirigeants. Les autorités ont annoncé le 17 février 2015 avoir engagé une procédure judiciaire contre Al-Wefaq, pour des contenus publiés sur son site internet et qualifiés de « criminels » : « incitation à la haine contre le régime », « propagation délibérée de fausses nouvelles, de nature à nuire à la paix sociale et à la sécurité nationale », «  appels en ligne à des manifestations illégales », « attaques contre le gouvernement et un Etat étranger » [l’Arabie saoudite].

C’est évidemment le cas du sheikh Ali Salmane, clerc chiite de 49 ans, et charismatique secrétaire général du parti qui retient l’attention. Connu pour sa modération, Ali Salmane a été l’artisan du rapprochement entre les différentes forces de l’opposition dans les années 2000, en fédérant chiites, sunnites ou laïques, et en réclamant une monarchie constitutionnelle par des moyens de lutte pacifiques. Il avait été largement réelu à la tête de l’organisation quelques jours avant son arrestation en décembre 2014 et sa comparution devant les juges, au début de l’été 2015, où il risque entre deux ans et dix ans de prison pour «  avoir tenté de renverser le régime par la force », signifient que plus personne n’est susceptible d’échapper à la répression, quand bien même il aurait toujours défendu des positions prudentes et légalistes. Mais l’appel d’Al-Wefaq à boycotter les législatives a exaspéré le régime, qui voulait faire de ces élections la preuve de la « normalisation politique » de la situation.

La déchéance de nationalité est une arme récemment largement utilisée, conformément à l’article 10 de la loi de 1963, prévoyant la déchéance de la nationalité « pour les auteurs d’actes considérés comme terroriste »s, et révisé le 24 juillet 2014. Le régime a ainsi déchu par décret, le 31 janvier, 72 personnes, en publiant une liste de noms mêlant  une vingtaine d’activistes djihadistes notoires ayant rejoint Daech, et une majorité d’opposants,  démocrates, clercs chiites, étudiants, médecins, journalistes, blogueurs, défenseurs des droits de l’homme. Les déchus sont coupables d’«actes illégaux», d’ «espionnage pour les pays étrangers », de «financement de groupes menant des opérations terroristes», de «diffusion d’une image diffamatoire du régime», et d’«incitation à agir» à son encontre, «  d’avoir perpétré des attentats», etc.

Dans un pays où les tensions autour de l’acquisition de la nationalité sont vives, en particulier par les « naturalisations politiques » de chiites, la pratique de la déchéance de nationalité avait été abandonnée au début de la décennie 2000, accompagnée d’une amnistie ayant permis à de nombreux exilés de rentrer au pays. L’opération inverse est désormais en cours -au moins 120 personnes concernées depuis 2012, certains amnistiés revenus au pays dans les années 2000 sont à nouveau déchus de leur nationalité. Contraints à l’exil,  non sans avoir préalablement purgé de lourdes peines de prison, les nouveaux apatrides se retrouvent en général à Londres, traditionnelle capitale de l’opposition à l’étranger. .

Le régime n’entend pas tolérer la moindre critique sur ce dossier, interne ou extérieure. Les  opposants se sont adressés aux autres membres du CCG, mais ont essuyé une fin de non-recevoir. Par solidarité au sein de ce qui apparaît souvent comme un « syndicat des pétromonarchies, mais aussi parce que plusieurs autres Etats pratiquent eux-mêmes le retrait de nationalité (Koweït, Oman),  Le prince saoudien milliardaire Walid ben Talal a lancé, le 1er février, une nouvelle chaîne de télévision satellitaire à vocation panarabe, Al-Arab, annoncée à grand renfort de publicité comme une rivale de la qatarie Al-Jazira et de la saoudienne Al-Arabiya. Le premier invité du journal, le même jour, a été l’opposant Khalil al-Marzouq, qui a critiqué la déchéance de nationalité de 72 personnes. Dès le lendemain, al-Marzouq a été interpellé, et la chaîne a cessé d’émettre pour « des raisons techniques et administratives ».

Ces pratiques répressives, qui n’ont jamais cessé depuis l’écrasement du « Printemps de Manama » en février-mars 2011, sont peu médiatisées, le plus petit Etat du Golfe ne retenant guère l’attention des médias internationaux, d’autant que les Etats occidentaux veillent à ne pas réagir sur les agissements de leur allié et client dans le Golfe. Ce sont donc les organisations internationales de défense des droits de l’homme qui tiennent la chronique de la répression. Et les responsables politiques,  les médias et les associations confessionnelles de  la sphère chiite régionale : en Iran, en Irak, au Liban, au Pakistan et à Londres. On aura particulièrement remarqué une longue intervention du secrétaire général du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah, le 9 janvier, peu après donc l’arrestation d’Ali Salman, comparant le sort des « frères et sœurs chiites du Bahreïn », sous oppression du régime sunnite et sous occupation saoudienne, à celui des Palestiniens sous occupation israélienne. Ce qui, avec les tensions au Bahreïn sur la crise au Yémen, inscrit de plus en plus les problèmes du Bahreïn dans un bras de fer entre le monde chiite et le monde sunnite en voie d’exacerbation.

 

3/ Les affaires régionales

Au sein du CCG, le royaume continue à être étroitement aligné sur la politique saoudienne, Riyad considérant clairement l’archipel comme son pré carré.

Depuis septembre 2014, Bahreïn participe symboliquement à la coalition internationale contre l’EI. Les avions bahreïnis ont donc procédé à quelques bombardements en Irak, aux côtés des autres membres du CCG -à l’exception du sultanat d’Oman. La presse locale a cependant préféré rester discrète sur l’épisode.

Quand Riyad a décidé d’intervenir militairement au Yémen contre les houthis, Manama a suivi le mouvement -ce que n’a pas fait Mascate. Et a annoncé que toute critique de cette participation à la coalition menée par Riyad serait sévèrement punie.  Car cette opération militaire menée par l’Arabie vise des rebelles houthis qualifiés de chiites soutenus par l’Iran, renvoyant ainsi à l’affrontement indirect de Riyad et de Téhéran sur plusieurs fronts ouverts : en Irak, en Syrie, et désormais au Yémen.

Cette double participation de Manama à des coalitions menées (contre l’EI) ou soutenues (contre les Houthis du Yémen) par les Occidentaux explique pour partie le silence de ceux-ci sur la répression qui frappe les opposants bahreïnis.

Alors que le royaume abrite la Ve Flotte et accorde des facilités aériennes aux Américains, Manama continue à délivrer quelques gestes symboliques d’antiaméricanisme, à l’instar de ses homologues du CCG. Les officiels bahreïnis jouent clairement le Pentagone et les militaires américains contre le Département d’Etat et les diplomates : le nouvel ambassadeur américain, William Roebuck , accrédité à la veille des législatives, joue d’ailleurs un profil beaucoup plus bas que son prédécesseur, honni de Manama.

Le roi Hamad Bahreïn a ainsi décidé de ne pas se rendre au sommet de Camp David les 13 et 14 mai, invité par le président Obama. Comme Riyad et , Manama entendait ainsi manifester son mécontentement contre l’avancée des négociations sur le nucléaire iranien. Le roi y a donc délégué son fils Salman, par ailleurs choyé par Washington depuis des années.

Dans le même ordre d’idées, la presse locale a tenu à souligner qu’après la visite du roi à Sotchi pour y rencontrer Vladimir Poutine (et assister au premier Grand prix de Formule 1 organisé en Russie) en octobre 2014, le royaume avait conclu de nouveaux accords d’achat d’armes russes. En août 2014, le Royaume a été le premier pays à commander des missiles antichar russes Kornet-EM. Bahreïn et la Russie ont signé le 19 mai 2015 un accord intergouvernemental de coopération militaire

En réalité, tout en continuant à se protéger sous le parapluie américain, Manama entretient, en matière de défense – comme de sécurité intérieure, des relations on ne peut plus privilégiées avec Londres, l’ancienne puissance tutélaire. L’annonce en décembre 2014 de la prochaine ouverture d’une base navale britannique à Manama, pour la première fois dans le Golfe depuis 1971, confirme l’intensité de la coopération militaire qui avait été actée en 2012 par un accord de défense. A l’automne 2014, Londres avait ainsi vivement condamné l’appel de l’opposition à boycotter les législatives, accusant Al-Wefaq d’irresponsabilité. Plutôt que de faire le voyage à Camp David, le roi et le premier ministre ont donc préféré se rendre ostensiblement au Windsor Horse Show,  événement hippique et mondain qui permet de côtoyer la reine Elisabeth un opposant avait d’ailleurs brandi un drapeau bahreïni pour perturber la parade en mai 2014 : il a été déchu de sa nationalité). . Avant de se reposer quelques jours dans sa résidence de Rabat, au Maroc, où il a été accueilli par le roi en personne, attestant des liens étroits entre les deux monarchies.