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L’histoire de la méfiance, voire de l’hostilité de Téhéran à l’égard de Londres, est tellement abondée qu’on ne peut en rappeler ici que les étapes principales, à charge pour le lecteur de faire son miel de chaque épisode.

Sous les dynasties des Qadjars, puis des Pahlevi, on mentionnera :

  • les menées du Raj (l’administration de L’Empire britannique des Indes) du côté de l’Afghanistan tout au long du XIXe siècle (Afghanistan qui avait été une province des Empires safavide puis qajars avant d’être érigé en émirat);
  • la célèbre grève du tabac en 1890, lancé par le clergé chiite contre l’attribution du monopole aux Anglais;
  • le traité anglo-iranien de 1907, partageant la Perse en zones d’influence russe au nord, anglaise au sud;
  • la main-mise britannique sur le pétrole découvert en 1908 au Khouzistan/Arabistan, dont l’Anglo-Persian (ensuite Anglo-Iranian, ancêtre de l’actuelle British Petroleum) gardera tous les bénéfices pendant des décennies;
  • l’occupation britannique du sud du pays pendant la Deuxième guerre (l’URSS occupant le nord), la destitution de Reza Shah pour philo-germanisme en 1941, et l’installation sur le trône d’un Mohammed-Reza sans pouvoir;
  • et surtout le bras de fer anglo-iranien, quand le docteur Mossadegh nationalise en 1951 l’Anglo-Iranian, au prix d’une crise internationale, d’un coup d’Etat du shah, et d’un des premiers « dirty tricks » de la CIA pour renverser Mossadegh en 1953: l’épisode hante toutes les mémoires iraniennes, y compris -peut-être- celle des vieux monarchistes…

La révolution de 1979 et l’établissement de la République islamique ne vont pas arranger les relations bilatérales. Certes, le Royaume-Uni perd le titre de « Grand Satan », désormais attribué aux Etats-Unis. Mais Londres reste un « Petit Satan » -titre partagé d’ailleurs avec la France. L’ambassade britannique est menacée par des manifestants à plusieurs reprises dès 1980, qui se verraient bien lui appliquer le même traitement qu’à l’ambassade américaine voisine. Les relations diplomatiques ne seront cependant rompues qu’après l’éclatement de « l’Affaire Rushdie » -la condamnation à mort en février 1989, par une fatwa de l’ayatollah Khomeyni, de l’auteur des Versets sataniques. C’est Tony Blair qui les rétablira en 1998, l’élection du président « réformateur » Khatami ayant laissé espéré une « normalisation » de la République islamique à l’international. Les contentieux restent pourtant incessants:

  • la GB participe à l’invasion de l’Irak en 2003, et se voit attribuer par Washington comme zone d’occupation le sud chiite du pays (Bassorah): d’où plusieurs incidents navals anglo-iraniens dans les eaux mal délimitées du Chatt el-Arab (2004 & 2007);
  • la GB (gouvernements travaillistes et conservateurs confondus) est accusée de liens trop étroits avec Riyad, et avec les émirats du Golfe (liens politiques, sécuritaires, et ventes d’armes;
  • à la fin de la décennie 2000, la GB est accusé d’être en pointe (avec Israël et les Etats-Unis) dans les menées subversives contre le programme nucléaire iranien (en particulier l’espionnage, et les assassinats de scientifiques);
  • la GB est également accusée d’être en pointe dans le renforcement des sanctions contre l’Iran. Or, la City joue un rôle majeur pour les transactions bancaires, financières, commerciales mondiales, y compris dans le Golfe, zone indispensable au commerce iranien, légal ou de contrebande  (EAU, Dubaï).
  • la télévision BBC en persan est, depuis son lancement en 2009, l’objet d’une vindicte iranienne toute particulière, compte tenu de l’audience importante qu’elle a tout de suite trouvée en Iran (y compris, dit-on, chez les dirigeants du pays…);
  • Last but not least, la GB a publiquement et fortement soutenu le mouvement Vert après le coup d’Etat électoral contre le candidat Moussavi le 12 juin 2009, et un centre Neda Agha-Soltan a été ouvert au Queen’s College de l’Université d’Oxford..

On le voit, Bobby Sands (notre chronique du 2/12/2011) n’est qu’un des nombreux épisodes de relations bilatérales tendues sur la très longue durée, exécrables parfois. Surtout d’ailleurs, comme c’est le cas dans l’attaque de l’ambassade ce 29 novembre, quand une des factions au pouvoir à intérêt à renforcer l’isolement du pays, pour légitimer auprès d’une opinion publique critique ou dissidente les discours agressifs et paranoïaques que le régime distille à l’envie.

Téhéran, 29/11/20111. Envahissement de l’ambassade du Royaume-Uni. Sur les banderoles « Ya Hossein !  / Vive Hussein » (référence principale du chiisme)