Fidèle à son habitude, le Guide de la révolution Ali Khameneï a planté plusieurs arbres en ce début mars, comme tous les ans à l’occasion de la Journée de l’arbre. Dans un pays où la tradition des jardins et des parcs est un héritage culturel et sociétal millénaire, on peut considérer qu’il y a là une forme de greenwashing au plus haut niveau politique qui ne peut masquer la catastrophe environnementale dans le pays, et la répression récurrente des militants et mouvements écologistes. Mais qui est aussi l’occasion d’évoquer une dimension peu connue de l’environnementalisme à l’iranienne : l’écologie coranique.

L’islam est une religion englobante, et le fiqr, le droit positif musulman, entend fournir des réponses à tous les enjeux de la vie. Du coup, en particulier en Iran, une lecture interprétative nouvelle est apparue: la dimension islamique de l’environnement et de l’écologie (1). Quelques auteurs musulmans soutiennent qu’une éthique environnementale peut être tirée d’une relecture des écrits coraniques et des hadiths postérieurs. Ils s’appuient, dans le Coran, sur l’affirmation que toute chose terrestre est création divine (« ayat », « signe de Dieu »), et doit donc être respectée. Le terme arabe et persan pour environnement (naturel), « muhit », renvoie au « tout-englobant » du Coran (4:24). Une manière de vivre réellement musulmane supposerait, dès lors, d’être sensible à l’environnement, et de le respecter – nature et animaux, arbres et plantes, en ne gaspillant pas les ressources disponibles.

Ces interprétations, émanant d’auteurs musulmans souvent installés en Occident, ont un impact limité sur un régime iranien qui, dans les réunions internationales (ONU, COP, etc.), met traditionnellement l’accent sur l’inégale répartition des ressources et leur pillage par l’Occident : la crise environnementale, quand elle est reconnue, est présentée comme un symptôme de l’injustice sociale globale, alors que le Coran affirme que « Dieu pourvoira [aux besoins des hommes] » (11:6).

On peut toutefois estimer qu’un argumentaire islamique à l’appui de la cause environnementale, présente un intérêt potentiel dans des pays qui se réfèrent à l’islam comme fondement juridique de leur législation, en particulier la République islamique d’Iran. On a pu relever que les articles 45 et 50 de la Constitution iranienne de 1979 sur la protection de l’environnement naturel se référaient implicitement à un vocabulaire coranique 2. Le Département de l’environnement (qui équivaut à un secrétariat d’État rattaché à la présidence de la République) avait d’ailleurs rappelé en 1996 que les mosquées pouvaient être un des espaces de débat et de diffusion de la nécessité environnementale. Et l’une des grandes ONG iraniennes, le Front vert de l’Iran, apparue en 1989, s’est dès l’origine référée au Coran et aux hadiths pour sensibiliser l’opinion publique à une gestion respectueuse de l’environnement. Nombre d’organisations environnementales iraniennes exploitent d’ailleurs implicitement la couleur verte, qui est d’abord celle de l’islam avant d’être celle de l ‘écologie.

On ne peut donc surestimer l’argumentaire religieux dans le champ environnemental. Toutefois, on constatera qu’il peut être utilisé au plus haut niveau. Ainsi, en 2015, le Guide suprême Ali Khamenei a suivi de près la préparation de la COP21, et twitté à plusieurs reprises pendant la conférence de Paris. En mettant en avant, en particulier, la dimension religieuse de la question : « Dieu a créé l’univers et tous les phénomènes, beaux, solides et en harmonie. Nous devons corriger nos relations avec ces phénomènes naturels (…) L’islam insiste sur l’équilibre entre les êtres humains et la nature, et ceux-ci sont comptables de leur attitude face à l’environnement et à la nature. » Se référant au Coran, il a souligné que « Cette terre a été créée pour les êtres humains; elle appartient à tous. Aujourd’hui elle nous appartient, demain elle appartiendra à vos enfants.» (3).

NOTES :

Référence : BURDY Jean-Paul, « La crise environnementale en Iran: enjeux politiques et dimensions régionales», Diplomatie no 86, mai-juin 2017, 98p., p.73-77.

1 Richard C. FOLZ, « Is There an Islamic Environmentalism? », Environmental Ethics, 2000, no 22/1, p. 63–72 ; URL : https://www.academia.edu/9757766/Is_There_an_Islamic_Environmentalism . L’article renvoie à des sources primaires

2 L’article 45 de la Constitution iranienne de 1979 définit les ressources naturelles comme des  « trésors naturels », faisant ainsi référence au premier verset de la 8e sourate du Coran (al-Anfal/le butin) : en substance interprétative, les richesses naturelles appartiennent à Allah et à son Prophète, et ne doivent donc pas être détruites. L’article 50 dispose que la protection de l’environnement est une obligation pour garantir aux générations présentes et futures une qualité de vie qui ne doit pas être altérée par une quelconque activité .

3Sur le site du Département de l’environnement : www.irandoe.org , consulté le 15/12/2015