Le président Hassan Rohani, réélu dès le premier tour le 19 mai, a commencé son deuxième mandat dans une ambiance tendue : aux affaires de corruption exploitées par ses opposants s’ajoutent les enjeux de plus en plus conflictuels de la politique régionale de l’Iran: vitupérations anti-iraniennes du président Trump à Riyad, et remise en cause de l’accord sur le nucléaire de 2015 qui risque fort de déboucher sur le retrait de la signature américaine; « bataille du désert » en Syrie en direction du bastion de l’Etat islamique dans la vallée de l’Euphrate; attentats de l’Etat islamique à Téhéran le 7 juin contre le mausolée de l’Imam Khomeyni et contre le parlement (Majles) – les premiers attentats de ce type dans le pays…En ce qui concerne la « crise du Qatar », on peut estimer que la main dure de Riyad contre Doha décidée, comme la guerre au Yémen, par l’omniprésent prince héritier Mohammed ben Salman (MBS), et soutenue par le très raide ministre de la Défense des EAU Mohammed ben Zayed (MBZ), renforce l’influence iranienne dans le Golfe : en affaiblissant le Conseil de coopération du Golfe (CCG), une fois de plus tiré à hue et à dia ; en affaiblissant le « front sunnite » que le roi Salman prétendait construire depuis 2015, la Turquie se posant en rival de l’Arabie en matière de leadership sunnite ; en étalant l’illisibilité totale de la politique américaine, écartelée entre un président pro-saoudien mais totalement imprévisible, et des départements d’Etat et de la Défense tenus par des militaires, et qui essaient de sauver les meubles et contractent avec Doha.
A l’échelle régionale, Téhéran peut espérer un désengagement du Qatar en Syrie (déjà largement effectif), mais aussi s’inquiéter d’un rapprochement de fait de l’Arabie et d’Israël, associés contre le Qatar, soutien du Hamas à Gaza, et contre l’Iran, parrain du Hezbollah libanais.
> J-P.BURDY, « L’Iran de Hassan Rohani. Enjeux intérieurs et tensions régionales » in :Moyen-Orientno 36, octobre-décembre 2017, 98p., p.75-79.