
Le tournant de 2013 au Moyen-Orient s’était produit pendant l’été, en Syrie (la bataille de Qussair, favorable au régime de Bachar Al-Assad), puis en Egypte (le coup militaire du maréchal Al-Sissi contre le président Mohamed Morsi et les Frères musulmans). Le tournant de 2014 s’est produit au début du mois de juin quand, à l’étonnement général, quelques milliers de combattants de l’Etat islamique (EI), aidés par des tribus sunnites, s’emparent de Mossoul, la capitale de la province de Ninive et deuxième ville d’Irak, avant de proclamer un nouveau califat effaçant les frontières établies par les accord Sykes-Picot près d’un siècle auparavant. Cette irruption de l’EI bouscule les lignes, et amène les Occidentaux à un nouvel engagement militaire. L’Etat islamique a donc acquis une remarquable centralité géopolitique, qui fait passer au second plan les suites chaotiques et répressives des Printemps arabes de 2011, et qui a aussi largement occulté la guerre menée par Israël contre Gaza, dans un conflit israélo-palestinien qui apparaît désormais totalement découplé de son environnement régional.
Jean-Paul Burdy, « L’Etat islamique, ou les dynamiques multiples de la conflictualité au Moyen-Orient en 2014 « , Diplomatie no 72, janvier-février 2015, p.8-13