Bahreïn, Manifestation du parti al-Wefaq, 2013

> Fiche-pays: »Le Bahreïn » par JP.Burdy, « Oman« , par Franck Tétart, in Bilan stratégique 2013, revue Moyen-Orient  no 19, juillet-septembre 2013

ANALYSE BAHREÏN

Temps fort de l’année politique dans le royaume, l’édition 2013 du Grand Prix de Formule 1 de Bahreïn a pu se dérouler le 21 avril : la monarchie sunnite des Al-Khalifa entendant démontrer par le maintien de l’épreuve que la situation sécuritaire est « normalisée », alors que les opposants entendent prouver par leurs manifestations quotidiennes que la contestation demeure vigoureuse.

L’opposition profite de la venue des journalistes de la presse internationale, alors que le Bahreïn reste largement un angle mort médiatique des « révolutions arabes ». Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU lui a pourtant consacré en septembre 2012 un rapport sévère : arrestations et détentions arbitraires, torture, lourdes condamnations politiques, violences policières létales L’opposition, d’une grande résilience, reste structurée en deux courants principaux. Le Mouvement du 14 février est un collectif anonyme et clandestin recourant à l’internet et aux réseaux sociaux pour appeler au renversement de la monarchie : il fédère des jeunes chiites radicalisés qui attaquent véhicules et postes de police, dans une forme de guérilla urbaine de basse intensité. Les « sociétés politiques », dont le grand parti chiite al-Wefaq, organisent des rassemblements hebdomadaires tolérés. Al-Wefaq se réfère habilement au « modèle marocain »  de 2011 : une réforme de la constitution validée par référendum populaire, démocratisant le système politique, renforçant le poids de l’assemblée, établissant le principe du choix du premier ministre au sein du parti arrivé en tête aux élections législatives.

Après un premier échec à l’été 2011, le « dialogue national » réouvert en février 2013 est à nouveau dans l’impasse : le régime veut un « dialogue entre composantes de la société », et refuse catégoriquement les « négociations politiques entre le gouvernement et l’opposition» que réclame cette dernière, qui entend valider « des réformes structurelles » par un référendum populaire. Le blocage tient aux rapports de force au sein du régime, et dans sa base sociale sunnite. L’homme fort reste l’oncle du roi, Khalifa ben Salman Al-Khalifa, inamovible premier ministre depuis 1971, très proche de Riyad Il s’appuie sur les tenants de la ligne dure, la faction dite Khawalid de la famille régnante. D’autant qu’une partie des sunnites sont radicalisés, jugeant le palais trop laxiste vis-à-vis des opposants, et que le Wefaq chiite n’est qu’un instrument de Téhéran. Alors que le roi Hamad balance entre répression et dialogue, il ne reste pas beaucoup d’espace pour le prince-héritier Salman, réputé favorable aux réformes. Car, bien que soutenu par Washington et Londres, il avait été clairement mis sur la touche en 2011, et sa récente promotion au poste de vice-premier ministre est symbolique. La situation politique est donc bloquée, sans dynamique de changement prévisible.

La monarchie bahreïnie reste adossée au Conseil de coopération du Golfe, et tout particulièrement à l’Arabie saoudite, qui ont participé à l’écrasement de la contestation en mars 2011. Les pétromonarchies continuent à soutenir financièrement Manama, pour essayer d’y calmer des tensions sociales liées à une situation économique dégradée par les incertitudes politiques. A la différence du Qatar et de l’Arabie saoudite, le Bahreïn est plus spectateur qu’acteur du conflit en Syrie, devenu un bras de fer régionalisé qui oppose indirectement les monarchies arabes sunnites et conservatrices à un Iran chiite en voie de nucléarisation qui tétanise les émirs. Si Manama vante le réalisme amical du Royaume-Uni, qui a signé en octobre 2012 un nouvel accord de coopération de défense, les Etats-Unis (et leur ambassadeur) sont l’objet de très vives critiques  : contre leur représentant au Conseil des droits de l’homme de Genève ; contre « le contenu inamical, manquant d’objectivité et d’impartialité » du rapport annuel du Département d’Etat sur les droits de l’homme. Alors que la Ve flotte basée à Manama manœuvre dans le Golfe, l’antiaméricanisme va donc croissant, porté par les partis sunnites radicaux et la presse locale, qui stigmatisent « des ingérences inadmissibles » sur les droits de l’homme, et les contacts entre l’ambassade américaine et al-Wefaq. Washington se retrouve ainsi parfois mis sur le même pied que…Téhéran !

ANALYSE OMAN (par Franck Tétart)