
Lors de l’arrestation-lynchage de Muammar Kadhafi, jeudi 20 octobre, on a pu voir de nombreuses images d’un jeune thuwar (révolutionnaire) brandissant en guise de trophée le pistolet 9mm plaqué or du colonel. La crosse dudit pistolet s’ornait du portrait d’Omar al-Mokhtar. Celui-ci aura donc décidément accompagné Kadhafi jusqu’au dernier jour. Et pourtant, nombre de Libyens estimaient depuis des décennies qu’il s’agissait d’une véritable captation d’héritage anticolonialiste par Kadhafi. Au point que les « rebelles de Benghazi », désormais au pouvoir, en avaient fait depuis le printemps leur figure de référence, au même titre que le drapeau tricolore de la dynastie sénoussie, redevenu depuis peu le drapeau de « la nouvelle Libye libérée »…

Syrte, 20 octobre 2011: l’homme au pistolet d’or… (cliquez pour agrandir)
Lors de l’arrestation-lynchage de Muammar Kadhafi, jeudi 20 octobre, suivie de sa mort dans des conditions qui ne seront vraisemblablement jamais éclaircies (au grand soulagement de la plupart des acteurs locaux et extérieurs de son renversement, n’en doutons pas…), on a pu voir de nombreuses images d’un jeune thuwar (révolutionnaire) brandissant en guise de trophée le pistolet plaqué or du colonel (un Browning GP35 9mm Parabellum, produit classique de la Fabrique nationale de Herstal, Belgique…). La crosse dudit pistolet s’ornait du portrait d’Omar al-Mokhtar. Celui-ci aura donc décidément accompagné Kadhafi jusqu’au dernier jour. Et pourtant, nombre de Libyens opposants au régime estimaient depuis des décennies qu’il s’agissait d’une véritable captation d’héritage anticolonialiste par Kadhafi. Au point que les « rebelles de Benghazi », désormais au pouvoir, en avaient fait depuis le printemps leur figure de référence, au même titre que le drapeau tricolore de la dynastie sénoussie, redevenu depuis peu le drapeau de « la nouvelle Libye libérée »…
Retour sur une visite romaine en 2009…

La visite du colonel Kadhafi à Rome en juin 2009 a laissé autant de traces traumatiques dans les mémoires italiennes que sa visite à Paris en décembre 2007 en a laissé dans la mémoire collective française. Nombre d’épisodes sont comparables : la tente bédouine plantée sur la pelouse d’un palais de la République; les tirades anti-impérialistes et anticolonialistes qui font grincer les dents des ministres et des députés de la coalition Berlusconi; des retards aussi interminables que volontairement systématiques, qui amènent les sénateurs italiens excédés à finalement refuser de le recevoir. L’originalité de l’étape italienne aura été l’exigence du colonel Kadhafi de prendre la parole devant un auditoire exclusivement féminin pour développer un long monologue sur l’émancipation des femmes libyennes et les progrès exponentiels de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste. (sur la question des femmes, voir notre chronique du 1er novembre 2011).

Mais ce qui nous intéresse ici est un détail de décoration des costumes successifs du colonel –on sait qu’il accordait une grande importance au sens politique et symbolique de sa garde-robe, depuis ses uniformes de jeune officier révolutionnaire dans les années 1970 aux djellabas berbères des années 1990 et aux boubous ornés de cartes de l’Afrique dans les années 2000. Kadhafi a porté au revers, tout au long de sa visite officielle en Italie, une photographie en noir et blanc, de la taille d’une carte postale. Il l’a exhibée et commentée lors de toutes ses rencontres officielles. C’est une image iconique de la résistance armée que nous qualifierons pour le moment de libyenne, à la colonisation italienne : elle a été prise le 12 septembre 1931, le lendemain de l’arrestation d’Omar al-Mokhtar par l’armée italienne à l’occasion d’une embuscade dans la montagne. Al-Mokhtar sera jugé en quelques heures par un tribunal militaire spécial, et pendu le 16 septembre devant des milliers de spectateurs réunis par l’armée. Mohamed Omar, le fils aîné d’al-Mokhtar a d’ailleurs accompagné Kadhafi tout au long de son périple italien (on aperçoit d’ailleurs sa silhouette blanche et floue en arrière-plan, entre Berlusconi et Kadhafi). Kadhafi a instrumentalisé la figure d’al-Mokhtar tout au long de son règne libyen, à usage interne, mais peut-être plus encore à destination de ses interlocuteurs étrangers, et bien évidemment tout particulièrement des Italiens (A suivre…)