Manifestation de rue après le 2e tour de la présidentielle, juin 2009
Au Qatar, en mai 2011, c’est l’indifférence politique qui l’a emporté chez les nationaux, peu nombreux à s’inscrire sur les listes électorales pour les municipales. Au Bahreïn, la principale « société politique » chiite d’opposition, al-Wefaq (63% des suffrages exprimés aux législatives d’octobre 2010, et 45% des sièges de députés, soit 18 sur 40) a décidé de boycotter les élections législatives partielles prévues le 24 septembre 2011, qui doivent pourvoir aux 18 sièges laissés vacants depuis mars par la démission collective de ses députés (ils entendaient protester ainsi contre la répression du mouvement démocratique de la place de la Perle). En Iran, le régime de Mahmoud Ahmadinejad (élu en 2005, réélu dans des conditions contestées dans la rue en 2009 par le Mouvement Vert) semble lâcher un peu de lest en direction de l’opposition, apparemment pour prévenir un boycott massif par le corps électoral des législatives prévues en mars 2012. Dans ces deux derniers pays, pourtant très différents, le même débat divise les opposants démocrates depuis des années -voire des décennies : faut-il participer au « jeu électoral », pourtant institutionnellement et politiquement faussé d’entrée ? ou faut-il le boycotter, en estimant que la démocratisation ne passera jamais par les urnes ? A voir les fluctuations assez spectaculaires des taux de participation dans la dernière décennie, c’est un vrai dilemme politique, sans réponse simple, pas plus à Manama qu’à Téhéran …
Ce débat stratégique et les décisions de participation ou de non participation au Bahreïn (voir notre post du 6 septembre) ne sont pas sans rappeler la situation en Iran dans la dernière décennie. Mais là ce sont les électeurs qui ont arbitré de manière opposée. Forte participation aux élections municipales, législatives et présidentielles à l’époque de Mohammad Khatami (élu en 1997 avec une participation de 83% ; réélu en 2001 avec une participation de 67%), quand il paraissait possible qu’une réforme de démocratisation du système passe par la voie électorale, un président de la République réformiste, une majorité de réformateurs au Majlis. Puis le blocage des lois de réforme votées par les députés par les conseils des Gardiens et de l’Assemblée des experts, et l’enlisement des réformes annoncées ont découragé les électeurs. Qui ont, de leur propre initiative et/ou en répondant à l’appel de certains des courants réformistes, ont massivement boudé les urnes au début de la décennie. Facilitant, du même coup, la reprise en main par les (ultra-)conservateurs aux municipales de 2003 (la participation serait alors tombée à 15% !), aux législatives de 2004 (la participation officielle aurait été de 50,45%, mais plus vraisemblablement de 40%, alors que la moyenne de la décennie précédente tournait autour de 65%) et à la présidentielle de 2005 (où Ahmadinejad aurait été élu avec une participation réelle d’environ 40%).
Le retour de balancier a été spectaculaire au printemps 2009 quand, après un début de campagne sans tonus, une cristallisation politique s’est faite autour du candidat du mouvement Vert Mir Hossein Moussavi. Celui-ci, en quelques semaines, est passé du statut de candidat « réformateur au sein du système » agréé par la commission électorale, à porte-parole de l’écrasante majorité de tous les électeurs (et, en particulier, de toutes les électrices) aspirant à un changement politique profond. Et, du coup, la participation électorale le 12 juin 2009 a été remarquablement élevée, estimée à environ 85% par l’ensemble des observateurs nationaux et internationaux. Et la confiscation des résultats de ce premier tour par le « coup d’Etat électoral » de l’équipe de Mahmoud Ahmadinejad a été, du coup, d’autant plus insupportable à une grande partie du corps électoral, provoquant les plus importantes manifestations anti-régime en Iran depuis des années, autour de la question mille fois scandée « Où est mon vote ? »
On notera que, ces dernières semaines, les dépêches d’agence rendent compte de quelques « signes » de la part du régime d’Ahmadinejad : libération d’une centaine de prisonniers politiques (pour la plupart arrêtés lors des manifestations de l’été 2009, et graciés par le Guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei ; mais les figures de proue restent détenues) ; autorisation de reparaître accordés à quelques titres interdits de la presse réformatrice. Si les deux ex-candidats Mir Hossein Moussavi (du mouvement Vert) et Mehdi Karoubi sont maintenus en résidence surveillée, certains observateurs estiment cependant que le régime entend rouvrir le jeu politique. Et en particulier, à six mois des législatives de mars 2012, les réformateurs sont de plus en plus souvent appelés à participer au scrutin par une partie des conservateurs, inquiets du risque de voir les électeurs modérés déserter massivement, une fois de plus, les urnes. Du coup, le débat a été relancé chez les réformateurs, très divisés jusqu’à présent sur l’opportunité de participer au scrutin.
