NB: Nous actualisons le bilan des blessés américains lors des frappes du 7 janvier au fur et à mesure des communiqués officiels de l’armée américaine: 11, puis 34, puis 50, puis 64, puis 109 (au 10 février), puis 110 (au 22 février) . Pour Donald Trump, et depuis le 8 janvier, on en est toujours à zéro blessé…
L’Iran, Etat missilier

Exposition publique de missiles à Téhéran, pour le 40e anniversaire de la révolution, janvier-février 2019
Les missiles iraniens pèsent désormais lourd dans l’équation sécuritaire du Moyen-Orient. C’est pour compenser la faiblesse de leur aviation (héritée de la période du shah, et impossible à moderniser du fait des embargos internationaux, au-delà de l’achat d’aéronefs russes), et en tirant les leçons de la guerre avec l’Irak (en particulier un épisode peu connu : le bombardement de la plupart des villes iraniennes par des missiles irakiens dans la période finale du conflit), que la République islamique a développé un programme iranien de missiles. L’Iran a procédé comme d’autres Etats : l’achat de missiles russes ou chinois à des pays tiers (Libye, Syrie, Corée du nord), puis le démontage et l’amélioration progressive de leurs performances, jusqu’à disposer d’une industrie nationale autonome. Ce programme stratégique est pris en charge par les Gardiens de la révolution, comme tous les dossiers majeurs. Il comprend désormais des missiles stratégiques, des missiles de croisière (terrestres et maritimes) et, plus récemment, des drones de toutes dimensions. En janvier-février 2019, une exposition publique au centre de Téhéran à l’occasion du 40e anniversaire de la révolution islamique en a présenté une très large panoplie. La compétence iranienne en la matière a été illustrée dans les conflits de ces dernières années en Irak, en Syrie et au Yémen. Et, plus récemment, par deux épisodes : les frappes du 14 septembre 2019 en Arabie saoudite ; et celle du 7 janvier 2020 contre deux bases américaines en Irak à Aïn al-Assad et à Erbil. Leur précision a été scrutée, mais avait déjà été relevé par Israël, cible potentielle des tirs de missiles iraniens par le Hezbollah libanais. Sa panoplie missilière permet donc à l’Iran de projeter sa puissance hors de ses frontières, y compris par le transfert de missiles ou de technologies et de formation à des groupes non étatiques. Or, les dernières versions de ces missiles balistiques (dont le missile moyenne portée Shahab 3) seraient à capacité nucléaire 1.
La frappe iranienne contre la base aérienne américaine d’Aïn Al-Assad, le 7 janvier 2020


Dans le cadre de la « terrible vengeance » promise aux Américains après l’assassinat par drone à Bagdad du général Ghassem Soleimani et du chef des Milices patriotiques irakiennes al-Mohandis, les Gardiens de la révolution ont procédé, depuis le territoire iranien, à deux tirs de missiles balistiques contre des bases américaines en Irak. On ne sait rien des dégâts provoqués sur la base d’Erbil, au Kurdistan d’Irak. En revanche, des images satellites, puis une visite de presse organisée par l’armée américaine, ont apporté des détails sur les frappes sur la base d’Aïn Al-Assad (dans la province d’Al-Anbar, nord-ouest de l’Irak, en direction de la frontière syrienne). Sur laquelle Donald Trump s’était rendu le 26 décembre 2018, et le vice-président Mike Pence le 23 novembre 2019 …

Trump et Melania à Al-Assad Airbase le 26 décembre 2018, et le vice-président Mike Pence le 23 novembre 2019

Quelques éléments peuvent être relevés dès à présent :
– les frappes ont été précises, ce qui a été noté par les observateurs américains. Le même constat avait été fait après les frappes de missiles de croisière et de drones contre des installations pétrolières saoudiennes le 14 septembre 2019 ; et par les Israéliens dans la région du Golan dans l’année écoulée.
– si les Américains n’avaient pas été prévenus à temps par les Irakiens, qui avaient eux-mêmes été prévenus en amont par les Iraniens, les pertes en hommes auraient pu être très élevées côté américain. En témoignent les rangées de conteneurs d’habitation détruits par les frappes. Les militaires de la base ont eu le temps de se protéger dans les bunkers semi-enterrés.

– il n’y a pas eu de contre-mesures anti-missiles américaines : faute de repérage ? Ou, plus vraisemblablement, faute de batteries de missiles anti-missiles.
– le président Trump s’est empressé de tweeter que les dégâts étaient limités, et qu’il n’y avait ni morts, ni blessés américains. Au bout de quelques jours, le commandement américain a néanmoins reconnu 11 blessés légers (par effet de souffle, principalement) ; puis le bilan distillé au jour le jour par les autorités américaines est monté à 34 blessés, puis à 50, puis à 64 , puis à 109, puis à 110, pour partie transférés dans des hôpitaux en Allemagne, pour certains rapatriés aux Etats-Unis. Méprisant, comme à son habitude, pour les militaires en opérations ou pour les anciens combattants, Donald Trump (à l’époque grand sportif, mais qui s’était prudemment fait réformer en 1968 pour « une excroissance au talon » -sic) a donc choisi d’occulter ces blessés américains («J’ai entendu dire qu’ils avaient mal à la tête ») : une attitude contraire aurait pu lui nuire électoralement, et le contraindre à des mesures de représailles accrues, au risque d’une guerre généralisée.
Sur la précision des frappes iraniennes, cf :
– CNN News 8/1/2020, Accuracy of Iranian missiles on Al Ain Base 7/1/2020 : https://www.youtube.com/watch?v=nHTN4g_M5lg ;
– ou ABC News 9/1/2020 : https://www.youtube.com/watch?v=FJ1DmqXFFA0 .
Sur les dégâts à Al Aïn, voir par exemple le 13/1/2020: https://www.dailymail.co.uk/news/article-7881839/New-images-damage-caused-Iranian-missile-strike-Iraqi-base.html
Photos satellites :
NOTES
1Le 6 décembre 2019, l’armée israélienne (IDF) a procédé à un essai de tir de missile Arrow-3 ou Jericho-3, capable de transporter une tête nucléaire. Le lancement a eu lieu à partir de la base aérienne de Palmachim (mitoyenne du centre de recherche nucléaire de Soreq), au sud de Tel Aviv, et a entraîné une modification des routes d’accès à l’aéroport international Ben Gourion :
Sous le titre Harsh Revenge [Sévère vengeance], l’agence iranienne FARS a mis en ligne le 11 février une animation de 4’20 retraçant et la mort de Ghassem Soleimani, et la risposte iranienne sur la base d’Aïn Al-Assad :

Exposition de missiles et de drones, janvier-février 2019


2012: drone-jouet, après la récupération par les Iraniens d’un drone américain intact ayant décollé d’Afghanistan
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