C’est le 23 juillet 1970 que Qabous bin Saïd al-Busa’idi, reclus depuis des années dans le palais de Salalah, au Dhofar, renverse son père le sultan Saïd bin Taimour avec l’aide de ses conseillers britanniques. Il prend la tête du sultanat de Mascate et Oman, rapidement renommé sultanat d’Oman, et rejoint pour la première fois de sa vie sa capitale, la ville de Mascate. Mais, pour éviter que la fête nationale du 23 juillet ne commémore une révolution de palais, elle est décalée dès 1972 au 18 novembre, anniversaire de la naissance de Qabous en 1940. Le régime omanais est dit « autocratique éclairé », avec quelques amorces de consultation de la population dans la dernière décennie. Le développement d’un Etat-providence pétro-rentier et la politique d’unification nationale reposent depuis 1970 sur un pouvoir monarchique ultra-personnalisé. Le sultan, omniprésent et omnipotent, incarne la nahda (la renaissance) du pays.
Le 18 novembre 2014 marquait donc le 44e anniversaire de son arrivée au pouvoir -c’est le dirigeant arabe en fonction depuis le plus longtemps. Or, pour la première fois depuis 1970, il n’a pas pu être présent dans le pays, et n’a pas pu prendre la parole en public. Il s’est adressé au peuple omanais pas un message télévisé enregistré. En effet, le sultan est soigné depuis des mois en Allemagne pour « une longue maladie ». Alors que le pays était couvert de banderoles aux couleurs nationales et de portraits du sultan, cette absence prolongée n’a pas manqué d’attrister et d’inquiéter la population. Car derrière l’extraordinaire personnalisation du pouvoir se pose avec une acuité croissante la question de la succession de Qabous qui, brièvement marié (et rapidement divorcé), n’a pas d’héritier, ni de frère. Les règles de succession ont évolué au fil du temps. Alors qu’un « conseil de la famille régnante » doit choisir un successeur dans les trois jours, le sultan avait annoncé en 1997 qu’il avait mis « deux noms, par ordre de préférence, dans deux enveloppes scellées, déposées dans deux régions différentes .» En 2011, le sultan a désigné par décret un conseil de cinq personnalités (dont les présidents du Conseil d’Etat, du Majlis as-Shura et de la Cour suprême) chargées de trancher sur le choix du nom en cas de désaccord au sein du conseil de famille. Une procédure successorale unique dans la région du Golfe, donc.