
Le texte de notre communication à la journée d’étude de Sciences Po Grenoble le 18 octobre 2013
13/10/2013
« Combattre Israël à Qousseir ? Eléments de lecture de l’intervention du Hezbollah en Syrie, 2011-2013 »
JP.BURDY, Communication à la 1ère journée d’études MMO de l’IEP de Grenoble
« Combattre Israël à Qousseir ? défendre les chiites en Syrie ? obéir à Téhéran ? défendre le multiconfessionnalisme au Liban et au Proche-Orient ? »…
Téhéran et le Hezbollah ont été pris de court par l’extension à la Syrie des révolutions arabes qu’ils avaient jusque-là soutenues, et présentées comme une légitime révolte des « opprimés » contre des régimes pro-occidentaux (Tunisie, Egypte, Bahreïn, Jordanie…). En témoigne leur mutisme déconcerté en mars 2011, quand commence la contestation à Damas. Puis ils calquent leur discours sur celui de Damas : les événements en Syrie n’ont rien à voir avec des revendications populaires légitimes, mais sont l’expression d’un complot international (mené par les Etats-Unis, Israël, la France, al-Qaeda ; plus, un peu plus tard, le Qatar et l’Arabie saoudite) visant, par un terrorisme djihadiste sunnite d’origine étrangère, à renverser un régime nationaliste arabe pro-palestinien et anti-impérialiste courageux, pour lui substituer une dictature confessionnelle des Frères musulmans, dans le cadre d’une recomposition générale du Moyen-Orient par Washington, dont l’Irak a été une étape préalable essentielle en 2003.
Dès le printemps 2011, le Hezbollah a annoncé qu’il soutenait politiquement le régime de Bachar Al-Assad contre une rébellion définie d’emblée comme un complot de déstabilisation menée par l’étranger, tout en appelant « au soutien aux réformes, au dialogue et à la fin des violences dans le pays »1.
C’est, semble-t-il, début 2012 2, confronté à l’incapacité de Damas à contenir la rébellion, désormais militarisée, que le Hezbollah a commencé, à intervenir sur le terrain syrien à travers ses cadres et ses miliciens : conseillant un régime fragilisé, encadrant ses milices en formation, protégeant les « lieux saints chiites » de Damas 3 , puis une quinzaine de villages à majorité chiite au nord de la frontière libanaise. Même si H.Narallah s’en défend encore en octobre 2012, l’intervention militaire est déjà en cours, comme en témoignent les premiers enterrements au Liban de « morts au djihad » : ils se tiennent alors en toute discrétion, sans publicité.
C’est au printemps 2013 que L’intervention militaire devient publique et revendiquée, et prend une toute autre ampleur : elle est principalement illustrée par la participation décisive des miliciens hezbollahis à la sanglante bataille de Qoussair (19 mai- 5 juin 2013). Cette fois, l’intervention militaire est publiquement assumée – avec l’enterrement au Liban des nombreuses victimes des combats, le parti organisant désormais des obsèques officielles médiatisées. Et justifiée par H.Nasrallah dans son discours du 25 mai 2013.
Courant octobre 2013, grâce à la victoire politique russo-syrienne dans la crise des armes chimiques, le Hezbollah se replie partiellement. Les observateurs notent le retour au Liban de la majorité des miliciens engagés en Syrie. On ne parle plus de leur participation annoncée à la reconquête d’Alep. Mais on confirme leur participation maintenue à la sécurisation de quelques quartiers de la capitale à forte population chiite, en particulier celui de Sayyeda Zeinab. Le Hezbollah serait donc actuellement dans une phase de redéploiement dans l’espace chiite syro-libanais.
Il ne s’agit pas ici de porter un jugement moral sur l’engagement politico-militaire du Hezbollah dans le soutien à la dictature de Damas. Il s’agit d’interroger les logiques revendiquées et vraisemblables de cet engagement, autour d’une question directrice : s’agit-il d’un tournant dans les logiques fondamentales de positionnement du Hezbollah depuis 30 ans ? 4
Trois temps :
– 1/ Les justifications avancées à l’engagement en Syrie
– 2/ La relation à l’Iran, et donc l’éventuelle dépendance du Hezbollah à Téhéran
– 3/ Le constat et l’évaluation des tensions au sein du Hezbollah et du chiisme libanais.
1/ Pourquoi le Hezbollah soutient-il Bachar Al-Assad ?
Depuis 1982, résister à Israël
La vocation première, répétée depuis trois décennies est la lutte contre Israël, le soutien à la résistance palestinienne, et la protection du Liban face à « l’ennemi sioniste ». Cet objectif a été mis en œuvre dans les années 1990, qui a objectivement contribué au retrait israélien du sud-Liban en 2000. Il a été illustré en août 2006, lors de la « guerre des 33 jours » qui a permis à Israël de ravager les infrastructures du Liban, et au Hezbollah de démontrer sa capacité à tenir tête à Tsahal sur le terrain grâce aux armes fournies par Téhéran et Damas. C’est cet argument de la « résistance à Israël jusqu’à la libération totale du territoire libanais » 5 qui a permis à la milice du Hezbollah de garder ses armes en 1989, lors de la signature des accords de Taëf, à l’inverse de tous les autres groupes armés présents sur le territoire libanais. La « guerre des 33 jours » , présentée par le Hezbollah, et considérée par beaucoup, y compris dans le monde musulman sunnite, comme une victoire sur Tsahal, a indubitablement donné au parti chiite une légitimité politique accrue dans le paysage politique libanais et régional. Pour autant cependant que les armes du Hezbollah restaient tournées vers le sud : en mai 2008, quand le Hezbollah avait fait une démonstration de force à Beyrouth-ouest, l’organisation avait du la légitimer par la protection de son réseau autonome de télécommunications .
Ce combat contre Israël est d’ailleurs la matrice de sa création en 1982, dans le contexte de l’invasion israélienne du Sud-Liban, et dans une forme de joint-venture entre pasdarans iraniens et militants issus d’une scission au sein du parti chiite libanais Amal. Logiquement, et eu égard à l’alliance stratégique entre Téhéran et Damas esquissée dès la fin de 1979, le Hezbollah a toujours entretenu des relations étroites avec Damas, et soutenu les Syriens au Liban : on rappellera les manifestations pro-syriennes qu’il avait organisées en 2005 (en tant que Coalition du 8 mars), contre les acteurs anti-syriens du Mouvement du 14 mars. Ne nous y trompons pas cependant, le Hezbollah n’a pas toujours eu des relations faciles avec Damas, que ce soit sous Hafez Al-Assad, puis sous Bachar Al-Assad 6 : on parlera donc de mariage de raison plus que d’affinités réelles, a fortiori quand le Hezbollah se « libanisera » de plus en plus.
Ces rappels effectués et ce décor posé, l’engagement pro-syrien ne devrait guère surprendre, sinon peut-être par son ampleur en 2013. Toutefois, cet engagement :
– a étonné dans la région, car il a vite transgressé une forme de « ligne rouge » annoncée par Nasrallah : la « politique de dissociation », consistant à distinguer et ne pas mélanger les affaires libanaises et le conflit syrien.
– a surpris, car apparaît comme une forme de « détournement de la raison sociale », la lutte contre Israël. Or, en Syrie, le Hezbollah s’attaque à une population arabe et musulmane.
– a été dénoncé dans la région et en Occident parce qu’il aboutissait à soutenir un régime syrien réprimant dans le sang et la torture une contestation, puis une révolte, populaires, bien avant la militarisation et la djihadisation de celles-ci. Donc en Syrie, le Hezbollah combat des revendications légitimes, qui sont les mêmes que celles des printemps arabes exaltés à Tunis, au Caire, à Sanaa, et surtout à Manama.
– paraît avoir une dimension « confessionnaliste », le Hezbollah chiite s’attaquant à une contestation syrienne très majoritairement sunnite, et écrasée par un régime « alaouite ».
L’argumentaire en défense du Hezbollah peut se résumer à deux axes principaux.
1/ Soutenir le régime de Damas, c’est toujours combattre Israël
Les textes du Hezbollah -ptrincipalement les discours et déclarations de son secrétaire général Hassan Nasrallah, fournissent en fait l’argument principal, éminemment stratégique : il s’agit de défendre «l’Axe de la résistance » (mouqâwama), et sa logistique.
A plusieurs reprises, le dirigeant du Hezbollah a légitimé l’engagement de l’organisation par un argument très simple : la lutte menée par le parti de Dieu, qu’elle se situe à la frontière israélo-libanaise ou sur le territoire syrien, n’a qu’un but, défaire « l’ennemi sioniste ». En effet pour le Hezbollah, l’agression terroriste étrangère contre le régime de Damas est, pour Israël et ses alliés occidentaux, un moyen de défaire « l’Axe de la Résistance » contre « l’entité sioniste », « axe qui s’étend depuis l’Iran, en passant par la Syrie et par les résistances libanaise et palestinienne. »7. En soutenant le régime de Bachar Al-Assad, le Hezbollah vient donc « au secours de [ses] compagnons d’armes » 8.. Plus concrètement, l’intervention en Syrie permet à l’organisation de défendre et sécuriser « le passage de la résistance », c’est-à-dire le territoire syrien comme lieu de transit pour les armes envoyées par l’Iran: « la Syrie est le passage de la résistance, elle est le lien entre l’Iran et la résistance […] La Syrie n’est pas seulement un port ou un aéroport, mais un soutien réel. Elle a donné les armements les plus importants avec lesquels nous avons combattu au Liban et dans la bande de Gaza. »9. C’est donc ce déterminant de la résistance à Israël qui est mis en avant et par Mohammad Raad, chef du bloc parlementaire du Hezbollah (« Nous ne pointons nos armes que vers ceux qui s’allient aux sionistes. » 10 ), et par le président Bachar Al-Assad lui-même (« Pourquoi le Hezbollah se trouve-t-il à la frontière au Liban ou en Syrie ? Parce que la bataille est la même : avec l’ennemi israélien ou contre ses agents en Syrie ou au Liban. »11) . Les trois ou quatre raids aériens israéliens menés contre des installations militaires syriennes dans la région de Damas en janvier, avril et mai 2013 attestent d’ailleurs de la réalité de l’intervention israélienne dans le conflit, et de la nécessité de combattre l’ennemi partout où il se manifeste, donc en Syrie même.
L’engagement en Syrie ressort donc de la défense de l’objectif initial et central : la lutte contre Israël. Laquelle suppose, en particulier, que l’organisation agisse dans une action d’autodéfense de ses réseaux d’approvisionnement, mais aussi soutienne le régime syrien victime d’une agression américano-sioniste 12. On remarquera d’ailleurs que, dans une certaine mesure, en insistant sur le rôle essentiel de transit et de fourniture de la Syrie, l’organisation confirme sa dépendance à ce pays, et donc une forme de vulnérabilité – y compris à des pressions directes du régime de Bachar Al-Assad.
2/ Protéger les chiites (et les alaouites?) de Syrie
Il faudra dater l’émergence de l’argument de la protection des chiites syriens dans le discours du Hezbollah. Sur le fond, l’argument devient recevable à partir du moment où la radicalisation confessionnelle du conflit prend la forme d’une multiplication de massacres « exemplaires », au printemps 2012 13. Crimes de guerre, ces massacres ne doivent rien au hasard : ils ont été préparés et mis en œuvre par le régime syrien contre des communautés supposées acquises aux rebelles, provoquant en retour le développement de massacres de groupes alaouites par certains acteurs armés de la rébellion 14. Emanation d’une partie de la communauté chiite libanaise, puis principale force politico-militaire et sociale de structuration et de représentation de cette communauté, le Hezbollah intervient donc en Syrie pour protéger la petite communauté chiite de ce pays, dans la prolongation septentrionale de la Bekaa libanaise, qui est historiquement très liée à la communauté chiite libanaise. Ce sera l’un des éléments fondant la légitimité du Hezbollah à intervenir comme force principale dans la sanglante bataille de Qousseir (19 mai-5 juin 2013) au cours de laquelle le parti de Dieu a essuyé des pertes conséquentes : les communautés chiites y auraient été menacées par des jihadistes sunnites liés à al-Qaeda, et bien décidés à liquider les hérétiques chiites 15.
En réalité, on le sait, « l’argument chiite » ne recouvre qu’une partie de l’importance stratégique de cette zone de Qousseir, disputée entre le régime de Damas et les rebelles, car essentielle pour les deux parties au conflit : elle permet aux rebelles sunnites de ravitailler les combattants de Homs et de la région centrale à partir de Tripoli, au nord-Liban ; et elle est cruciale pour le régime de Damas car elle lui assure la continuité territoriale et de circulation entre Damas et la côte méditerranéenne, potentiel « réduit alaouite ». On mesure donc le caractère relatif de l’argument chiite quand, après la bataille de Qousseir, le Hezbollah poursuit son engagement aux côtés des forces de Bachar Al-Assad dans une nouvelle tentative de reconquête de la ville de Homs, où la présence chiite est très réduite, et au-delà vers Alep.
Pour autant, on ne saurait sous-estimer cet argument de la protection des chiites, des alaouites et, plus largement de la diversité religieuse, au regard et de l’histoire des chiites, du Hezbollah et de djihadisation accélérée de la rébellion en Syrie. On ne reviendra pas sur la condition souvent difficile des chiites dans l’espace régional syro-libanais jusqu’à ce que des organisations politico-militaires les structurent et les affirment dans l’espace confessionnel local : le parti Amal d’abord, le Hezbollah surtout ensuite. Celui-ci a donné à la communauté chiite des organisations d’autodéfense, et donc une sécurité auparavant inexistante. Enfin, la montée en puissance d’organisations djihadistes violemment anti-alaouites et anti-chiites dans l’espace de la rébellion syrienne permet d’affirmer que l’argument de défense de ces communautés par le Hezbollah n’est pas que rhétorique. D’autant qu’il n’entend pas défendre que les chiites : il se pose, depuis des années, en défenseur de toutes les minorités religieuses de la région, au Liban d’abord, en Syrie ensuite depuis 2011. La « protection des minorités » et de la pluralité confessionnelle est un des arguments qu’il partage avec le régime de Damas. Hassan Nasrallah et Bachar Al-Assad, qui ont tous deux joué la carte des minorités dans la région, se présentent comme « un rempart contre l’islamisme terroriste», celui des djihadistes wahhabites, qualifié de « takfiris ».16. Le Front al-Nosra et, plus récemment, L’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), d’origine irakienne, témoignent effectivement d’une haine antichiite radicale, et menacent au-delà des alaouites et des chiites toutes les confessions ou groupes qui font la complexité syrienne.
La bataille de Qousseir a été, jusqu’à présent, l’épisode le plus évident de l’intervention militaire du Hezbollah en Syrie, violemment critiqué dans la région, par nombre de régimes arabes sunnites, et en Occident. Ce qui a amené le parti de Dieu à mettre fortement en avant cette dimension de défense des chiites, et plus largement de toutes les minorités, et même de la majorité des sunnites, sans oublier les juifs, tous menacés par les djihadistes takfiris. Dans un long reportage en juin 2013, Press TV, une des chaînes iraniennes anglophones, insiste ainsi sur la menace des groupes djihadistes sunnites plus ou moins reliés à al-Qaeda : le combat de Qousseir est mené contre le Front al-Nosra, menace majeure contre l’ensemble des musulmans, des chrétiens et de la diversité confessionnelle de la région. Les différents intervenants convoqués, dont plusieurs universitaires de l’Université américaine de Beyrouth (AUB) soulignent que le projet d’Emirat islamique porté par plusieurs des groupes armés rebelles est porteur du « risque de création d’un arc de djihadisme salafi allant du Nord-Liban à l’Irak ». 17
Sur ces deux arguments, la politique du Hezbollah ressort d’une stricte realpolitik fondée et sur l’histoire, et sur le présent.
2/ En intervenant, le Hezbollah a-t-il obéi à des ordres de Téhéran ?
Co-fondateur de l’organisation, l’Iran est le mentor idéologique historique du Hezbollah, et son pourvoyeur de fonds et d’armes depuis la création du mouvement en 1982. Téhéran est également la principale puissance de «l’ Axe de la Résistance » que le Hezbollah entend défendre en Syrie. De là à affirmer que l’intervention du « parti de Dieu » s’est faite sur ordre de l’Iran, il n’y a qu’un pas, qui a été allègrement franchi par nombre d’acteurs ou observateurs locaux, régionaux et internationaux intéressés à mettre en exergue le rôle de Téhéran et du supposé « arc chiite » : le Hezbollah « prête-t-il allégeance au Liban, à la Syrie, à l’Iran ou à un projet confessionnel universel ? » 18. Si Amine Gemayel utilise une fausse forme interrogative, d’autres sont beaucoup plus directement affirmatifs.
Ainsi l’éditorialiste Paul Touma dans L’Orient-Le Jour, qui synthétise bien l’argumentaire : « En reconnaissant publiquement ce que plus personne n’ignorait, à savoir qu’il participe directement aux combats en Syrie afin de sauver le régime de Bachar el-Assad, et en soulignant haut et fort que son implication dans la guerre syrienne fait partie de la bataille pour la Palestine et du combat contre les États-Unis et l’Occident, le parti de Hassan Nasrallah a consacré concrètement, dans les faits – au grand dam de ceux qui ne voulaient pas le reconnaître – une réalité indéniable : pour tout ce qui touche aux grandes décisions d’ordre stratégique, notamment la décision de guerre et de paix, le Hezbollah n’est pas un parti libanais. Ses cadres, ses membres, ses partisans sont, certes, pour la plupart, d’honnêtes citoyens libanais, courageux et dévoués à une cause, mais la décision politique qui dicte le comportement de l’appareil du parti n’est en aucune façon libanaise et elle n’obéit qu’à des impératifs transnationaux. (…) c’est nécessairement sur instruction du régime des mollahs à Téhéran que le Hezbollah s’est engagé à fond dans les combats en Syrie pour voler au secours du pouvoir baassiste de Damas. D’ailleurs, quelques jours avant d’annoncer publiquement les motifs d’un tel engagement, Hassan Nasrallah était reçu à Téhéran par le guide suprême, Ali Khamenei. La survie du régime de Bachar el-Assad, considéré par la République islamique comme une partie intégrante de son « espace vital de sécurité » (…) est ainsi pour l’Iran, et donc pour le Hezbollah, de loin plus primordiale que les conséquences dévastatrices qu’a sur la scène libanaise l’implication du parti chiite dans la guerre syrienne. » 19
On en a voulu voir dans le voyage effectué par Hassan Nasrallah à Téhéran fin avril 2013, officiellement pour participer à une conférence mondiale sur « Les oulémas et le réveil islamique », un tournant dans la politique syrienne du Hezbollah. Pour l’occasion, il a rencontré le guide suprême de la Révolution islamique Ali Khamenei. Or, ce déplacement (alors que le secrétaire général du Hezbollah ne se déplace que très rarement à l’étranger) et cette rencontre ont lieu à la veille de l’offensive de Qousseir : certains observateurs intéressés estiment que Nasrallah a alors reçu l’ordre de Téhéran d’intervenir pour sauver Bachar. Cette interprétation du voyage à Téhéran est peut-être excessive.
On le sait, l’argument iranien est récurrent, et renvoie à un procès fait au Hezbollah depuis sa création en 1982, à partir d’une scission au sein du mouvement chiite Amal qui était effectivement alors très largement à l’initiative des pasdarans iraniens arrivés dans la Bekaa dès la fin de 1979. Cet argument est historiquement partiellement fondé, mais il est réducteur, car il postule une totale instrumentalisation de l’organisation libanaise par Téhéran. Mais la réalité est progressivement devenue plus complexe, non pas bien évidemment par l’absence d’influence de l’Iran sur le Hezbollah, mais parce que la transformation progressive de celui-ci en force politique intégrée de manière croissante dans la vie politique parlementaire libanaise fait qu’il n’est plus (s’il l’a jamais été) un simple bras armé de l’Iran au pays du Cèdre. En réalité, le Hezbollah est un acteur complexe car ambivalent : un allié de Téhéran (plus que de Damas) et un acteur de plus en plus libanisé, donc territorialisé.
Hassan Nasrallah s’en est expliqué à plusieurs reprises : sans nier les relations du parti avec Téhéran, il en souligne l’autonomie, voire l’indépendance 20: « Donnez moi un seul exemple, en 25 ans d’existence, où le Hezbollah aurait servi les intérêts de l’Iran contre les intérêts du Liban. La ligne de conduite du Hezbollah et son expérience, démontrent que nous sommes un véritable parti national, et que nos objectifs sont des objectifs à caractère national. (…) « C’est nous qui décidons de ce que nous faisons. Quand nous combattons ou non. Si nous devons entrer au gouvernement ou au Parlement. Avec qui nous formons une coalition, avec qui nous devons rompre ou non. Si nous devons négocier et accepter un compromis. » 21
Pour autant, il est évident que l’intervention en Syrie a fortement revivifié l’accusation d’inféodation à l’Iran dans l’opinion publique locale et dans le monde sunnite régional plutôt favorable aux opposants au régime syrien. On noubliera pas de signaler que certains analystes estiment que c’est plutôt Bachar Al-Assad qui a forcé la main du Hezbollah, en le menaçant de couper ses approvisionnements militaires si le parti ne s’engageait pas militairement pour l’aider. Elle a, par ailleurs, mis en relief des tensions internes au Hezbollah, et à la communauté chiite libanaise.
3/ Des tensions au sein même du Hezbollah et dans la communauté chiite libanaise ?
1/ Des tensions au sein du Hezbollah
Que l’intervention du Hezbollah en Syrie divise la scène politique libanaise n’est pas pour surprendre : en schématisant, on retrouve depuis 2011-2012 le clivage existant depuis une décennie entre une Coalition du 8 Mars pro-syrienne et une Alliance du 14 Mars anti-syrienne. Mais qu’en est-il pour le Hezbollah lui-même ?
Au-delà des apparences et des affirmations de ses dirigeants, le parti d’Hassan Nasrallah n’est pas aussi monolithique qu’il le prétend, et l’existence de plusieurs lignes affleure dans certaines déclarations autour du parti. On sait évidemment très peu de choses sur les débats en interne, sinon qu’ils ont existé, et existent vraisemblablement encore, autour de l’idée que « l’agenda libanais » du parti peut être perturbé et affaibli par une intervention en Syrie qui fragilise certaines des alliances politiques du Hezbollah, et pourrait faire le jeu de ses ennemis intérieurs et régionaux. « Deux courants se sont dessinés au sein du parti : celui qui estime que la bataille en Syrie est la sienne et qu’il faut se tenir aux côtés du régime, et celui qui veut s’en dissocier . 22» Ces deux tendances -il y en a peut-être d’autres- renvoient à l’existence de clivages anciens entre les pro-iraniens (dont cheikh Tufeli, ancien secrétaire général, partisan au début des années 1990 d’une république islamique à l’iranienne), les « nationalistes arabes » (proches de l’extrême-gauche et qui participaient, au début de la guerre civile libanaise, au bloc dit « islamo-progressiste »), et une troisième voie, parfois qualifiée de « modérée », qui s’incarnait dans la figure charismatique de cheikh Mohamed Hussein Fadlallah, disparu en 2010. Les critiques sont venues de ministres et de députés du parti, mais aussi du milieu estudiantin et universitaire de Beyrouth. Un appel de jeunes chiites du sud Liban à soutenir les opposants à Bachar a aussi circulé sur le réseau Facebook au printemps 2012. Le quotidien de Beyrouth Al-Akhbar, à la fois proche du Hezbollah et de la gauche nationaliste, a témoigné des débats internes acharnés qui le traversent depuis 2011, sans entraîner cependant de rupture au sein de la rédaction.
Les arguments de la critique portent tout d’abord sur le choix de soutenir le régime d’Assad, alors que l’organisation a, dans les premiers mois de 2011, légitimé et soutenu les révoltes arabes contre les régimes autoritaires en Tunisie, en Egypte, et au Yémen. Pour certains jeunes chiites libanais, comme pour certains clercs ou intellectuels chiites ‘‘indépendants’’ (c’est-à-dire non membres du Hezbollah et de Amal), la révolte syrienne doit être comprise comme ‘‘une révolte des opprimés contre les oppresseurs’’, ayant les mêmes fondements et adoptant (au moins en 2011-2012) les mêmes formes que dans les autres pays des printemps arabes. Ce sont ainsi les positions, à l ‘été 2012, de deux hauts dignitaires chiites, cheikh Hani Fahs et cheikh Mohamed Hassan al-Amine : « Nos appartenances islamique et arabe ne sont pas en contradiction avec notre spécificité chiite fondée sur la lutte contre les despotes et la défense des opprimés. » 23Avec des rappels à la longue présence syrienne au Liban, et aux exactions notoires du régime de Damas contre sa population. 24 L’exemple du Bahreïn est très régulièrement convoqué : pourquoi le Hezbollah soutient-il comme légitimes les revendications des manifestants bahreïnis de la place de la Perle à Manama, et considère-t-il que ces mêmes revendications sont illégitimes à Damas ?
Un deuxième champ de critiques concerne ce que l’on pourrait qualifier de « détournement de l’axe de lutte » : soutenir politiquement le régime syrien peut se comprendre eu égard à son importance stratégique dans le ravitaillement du Hezbollah, mais aller combattre militairement en Syrie, c’est tourner le dos à l’ennemi historique, Israël, au risque de se retrouver attaqué par surprise au sud-Liban. Le Courant chiite libre, petite organisation politique très critique du Hezbollah, rappelle ainsi pendant la bataille de mai-juin 2013 que « le front de la résistance se situe au Sud et non pas à Qousseir. »25
Le troisième argument opposé à la politique du Hezbollah concerne sa trop grande dépendance à l’Iran. Les tenants de l’instrumentalisation iranienne du Hezbollah se recrutent bien sûr au sein des organisations opposées à la Syrie ou autour du mouvement libanais du 14 mars, mais aussi au sein de la communauté chiite libanaise elle-même. Ainsi Subhi al-Tufayli, secrétaire général du « parti de Dieu » de 1989 à 1991, mais désormais très critique sur ses choix politiques. Il affirme en juillet 2013 que : « les décisions politiques [du Hezbollah] sont toujours à 100% d’origine iranienne, même si l’Iran ne s’implique pas dans les moindres détails. » 26.
2/ Des dissensions au sein de la communauté chiite
Ces différents arguments, séparés ou regroupés, sont repris début juillet 2013 dans un appel solennel de « dix personnalités chiites indépendantes » aux Libanais en général et aux chiites en particulier, soulignant, à l’adresse notamment des chiites, que « la force ne saurait être une garantie pour l’avenir » : « les Libanais sont appelés à admettre que le peuple syrien a entièrement le droit de décider lui-même de ses options présentes et futures, ainsi que du système politique qu’il désire mettre en place, loin de toute intervention étrangère » 27. Cet appel, qui a eu un retentissement certain, est une critique explicite de l’intervention en Syrie du Hezbollah (qui n’est pas nommé), qui donc ne fait pas consensus au sein même de la communauté chiite
Dans l’appel est affirmée l’idée que l’attitude syrienne du Hezbollah entrave la préservation, voire le renforcement de l’État libanais, objectif pourtant proclamé du parti, car elle contribue à diviser les Libanais : « Ceux qui imposent leur hégémonie à la communauté chiite jouent un rôle central dans ce torpillage, ce qui entraîne les Libanais dans des confrontations gratuites entre eux ainsi qu’avec diverses parties dans leur environnement arabe. » . Les signataires du document dénoncent la prorogation de 17 mois du mandat de la Chambre, largement imputable au Hezbollah et à ses alliés, la qualifiant « d’abus de pouvoir ». On relèvera qu’ils se positionnent en tant que « chiites » (« [notre] qualité de chiites constitue l’un de [nos] qualificatifs, mais elle ne reflète nullement le titre d’une entité à part entière »)., mais que leur allégeance au Liban « prime sur toute autre allégeance ». Les signataires soulignent qu’ils mettent en avant leur qualité de chiites « en raison de la conjoncture délicate sur la scène libanaise ».
Pour conclure, « les signataires de [l’] appel réaffirment leur solide conviction commune que les nations ne sauraient être édifiées à l’ombre de l’oppression et que les dictatures ne peuvent protéger la diversité et les minorités. Ce sont les principes démocratiques, le respect des libertés publiques et individuelles, le respect de la loi et l’alternance au niveau du pouvoir qui sont susceptibles de sauvegarder la dignité de l’individu et de la collectivité. » Et d’ajouter que « le seul moyen de faire face aux défis et aux dangers est d’édifier un État juste, efficace et souverain, l’État de droit et des institutions, qui s’engage sur la voie du progrès et de la modernité, afin d’aboutir aux valeurs civiles et citoyennes auxquelles aspirent les Libanais, dans le cadre d’une République démocratique parlementaire, fondée sur le respect des libertés publiques et des droits de l’homme. »
Au-delà de ces déclarations, un incident sanglant confirme les tensions internes intra-chiites quand, le 9 juin 2013, lors d’une tentative de rassemblement pacifique d’une centaine de personnes, un jeune manifestant chiite hostile à l’intervention en Syrie, Hashem Salman, est tué devant l’ambassade d’Iran à Beyrouth, apparemment par des membres d’un service d’ordre du Hezbollah 28. Salman était membre de l’Option libanaise, un petit parti chiite indépendant, de création récente, et critique du « parti de Dieu ». Les réseaux sociaux se sont enflammés suite à ce meurtre, au-delà de la seule communauté chiite.
Reste à savoir si ces dissensions sont suffisantes pour réduire les solidarités confessionnelles : F.Burgat penche plutôt pour un renforcement de ces solidarités dans cette période d’épreuves, qui renvoie l’ensemble de ses membres aux inquiétudes ou aux peurs d’antan, quand la communauté était méprisée, opprimée, et parfois menacée 29. D’autant que des facteurs sécuritaires extérieurs ressoudent plutôt une communauté chiite dans laquelle il n’y a pas de tradition importante de dissidence.
3/ La dégradation de la situation sécuritaire
Retours de bâton de son engagement syrien, le Hezbollah se retrouve agressé sur le territoire libanais, dans les zones frontalières proches de la Syrie, principalement dans la Bekaa : des convois du Hezbollah y ont ainsi été attaqués les 25 juin, 7 juillet, 16 juillet…. A quoi s’ajoute la question des quelques 800000 réfugiés syriens au Liban, majoritairement installés dans la Bekaa, et qui sont dans leur écrasante majorité sunnites, donc hostiles à l’allié libanais du régime de Bachar.
Mais c’est surtout dans son fief politique, militaire et symbolique de la banlieue sud de Beyrouth. Que la dégradation sécuritaire a été ménifeste. La chute de roquettes lancées de la montagne sur la banlieue sud en mai 2013 n’a fait que des dégâts matériels limités, mais a été perçue comme un avertissement au Hezbollah. Nettement plus graves, en effet, les deux attentats à la voiture piégée qui ont frappé Dahiye, « la Banlieue », successivement le 9 juillet 2013 à Bir el-Abed 30, puis le 15 août à Rouiess 31 . Evidemment liés à l’intervention en Syrie32, ces attentats sont doublement inquiétants pour l’organisation. Tout d’abord parce qu’ils témoignent d’une radicalisation anti-hezbollahie, alors que l’organisation avait veillé à se « normaliser » et à s’intégrer le plus possible dans l’espace politique libanais. Et ensuite parce qu’ils attestent, comme quelques autres incidents sécuritaires 33 , d’un affaiblissement du contrôle réputé absolu que le parti exerce sur cette partie de l’espace métropolitain. Le Hezbollah a été atteint au cœur en tant que garant de la sécurité et de la protection de la communauté chiite. Du coup d’ailleurs, l’organisation a accepté le 23 septembre le déploiement de 1200 soldats de l’armée libanaise dans son fief, ce qu’elle avait évité jusqu’à présent, estimant pouvoir compter sur ses propres forces 34.
Mentionnons pour mémoire que s’ajoutent à cela des tensions au sein de le la Coalition du 8 mars (qui contrôle assez largement l’armée libanaise), en particulier avec ses alliés chrétiens du Courant patriotique libre (CPL) du général Michel Aoun, qui, sans rompre, s’est cependant en juillet 2013 rapproché de l’Alliance du 14 mars, hostile à la Syrie (et qui, même moins cohérente que le 6 mars, reste influente au sein des Forces de sécurité intérieure) 35 . Le président de la République Michel Sleiman s’est également inquiété, après la bataille de Qoussair, de la poursuite annoncée de l’engagement militaire du Hezbollah en Syrie 36. Et au plan international, l’intervention du Hezbollah dans le conflit syrien a entraîné des condamnations de la part de nombreux gouvernements de la région ou au-delà, et une sourde condamnation d’opinions publiques arabo-musulmanes de la région, plutôt favorables à la rébellion syrienne, et qui rejette un Hezbollah qui, bien que chiite, avait réussi pourtant à acquérir une image positive dans la dernière décennie. Ces éléments expliquent que le parti ait fait plutôt profil bas au Liban depuis 2012, pour éviter d’accentuer critiques et isolement relatif.
Conclusion
L’engagement du Hezbollah en Syrie, et particulièrement la bataille de Qousseir en 2013, n’est donc pas sans conséquences :
– il exacerbe des tensions au sein d’une communauté chiite que le Hezbollah n’a jamais représenté dans sa totalité ;
– il tend à le renvoyer à un isolement sur la scène politique libanaise qu’il avait réussi ces dernières années à dépasser par des stratégies d’alliances politiques et de discours ouverts à la diversité des composantes confessionnelles et donc politiques ;,
– il a dégradé l’image plutôt positive qu’il avait construit dans sa résistance à Israël dans les années 1990 et 2000, et en particulier en 2006. En même temps, on peut se demander si la rhétorique anti-israélienne et pro-palestinienne intéresse encore beaucoup dans un monde arabe plongé dans des problèmes autrement essentiels à court et moyen terme : la crise démocratique et la crise économique…
Si l’on essaie de se projeter à moyen terme :
– si le régime de Bachar survit à la crise, la politique d’engagement d’Hassan Nasrallah aura été un pari gagnant pour le Hezbollah et ses alliances avec Damas et Téhéran ;
– mais si la guerre civile persiste, hypothèse aussi plausible que la précédente, entraînant l’ensemble de la région dans une spirale de tensions -et le Liban au premier rang-, le Hezbollah (qui n’apprécie sans doute pas les menaces de Bachar de déstabiliser toute la région, y compris le Liban, pour sauver son régime) risque une désaffection de certains soutiens politiques et des populations non chiites de la région qu’il avait ralliées.
Rami G. Khouri, journaliste et éditorialiste libano-palestinien, souligne bien en mai 2013 ces deux dimensions internes et externes 37 : « Combattre à l’intérieur de la Syrie aux côtés du régime Assad va exacerber toutes les pressions et les contraintes que le Hezbollah subit déjà. Plus nombreux seront les Libanais qui le critiqueront pour avoir entraîné le Liban dans la guerre syrienne et exacerbé les affrontements intérieurs entre groupes pro et anti-Assad. Beaucoup de Libanais soutiennent que ce qui s’est passé à Al-Qousayr confirme ce que beaucoup pensent déjà, à savoir que le Hezbollah est une marionnette de l’Iran. Certains de ses propres partisans peuvent lui reprocher la mort de dizaines de jeunes hommes libanais, dans une bataille pour une petite ville de province en Syrie. De nombreux pays étrangers vont chercher de nouveaux moyens de pression, de sanction et d’isolement du Hezbollah, et l’opinion publique dans le monde arabo-islamique va devenir plus critique et hostile, en présentant le Hezbollah comme une milice qui échappe à l’autorité de l’Etat, plus soucieuse des ordres iraniens que des populations arabo-libanaises. »38. Les événements de l’été 2013 ont confirmé ce diagnostic : attentats à Beyrouth-sud, qui n’ont été condamnés que du bout des lèvres par quelques capitales arabes ; rupture politique du Hamas palestinien avec son allié le Hezbollah 39; renforcement des condamnations occidentales, avec l’inscription de l’organisation militaire du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes, etc .
Depuis 2011, et sans surprise vu les acteurs impliqués, nous sommes dans la realpolitik la plus réaliste et la plus brutale. Peut-on donc parier sur un affaiblissement du Hezbollah, ce qui est la stratégie de certains acteurs occidentaux ? C’est aller trop vite en besogne, car cette organisation a connu d’autres épreuves plus vitales que l’intervention en Syrie : on rappellera la guerre de 2006. C’est sans doute un mauvais calcul que d’estimer que, parce que son intervention paraît en Occident moralement condamnable, elle va entraîner un affaiblissement majeur du parti.
Comme le régime de Damas, le Hezbollah est une organisation éminemment résiliente, qui a une forte capacité d’adaptation, qui mise sur le temps, et a donné sur la durée de multiples preuves de sa capacité à gérer le temps. Elle survivra bien évidemment à la crise actuelle, même si elle risque à court terme d’y perdre quelques-unes des années de travail politique qu’elle a consacré à sortir de l’isolement communautaire pour s’insérer dans le paysage politique local, avec l’objectif d’y devenir le « premier parti politique libanais »…
NOTES
1/ L’appel au dialogue et à la fin des violences thème est récurrent dans les discours d’H.Nasrallah, y compris celui du 25/5/2013. Le Hezbollah ne précise cependant pas qui sont les initiateurs premiers de cette violence extrême, bien avant que la rébellion ne prenne les armes. Le Hezbollah distingue une opposition syrienne de l’intérieur, ouverte à la discussion (sans préciser toutefois plus avant qui compose cette opposition), et une opposition de l’extérieur inféodée aux services américains et israéliens, qu’elle soit politique (CNS), militaire (ASL) ou djihadiste.
2 / Les premiers attentats djihadistes à la voiture piégée à Damas en décembre 2011 et janvier 2012, attribuables au Front al-Nosra, pourraient avoir été les déclencheurs de l’intervention hezbollahie sur le terrain.
3 / Principalement le mausolée de Sayyeda Ruqayya, dans le quartier al-Amâra, au coeur de la vieille ville, récemment restauré dans le style iranien ; et le complexe de pèlerinage chiite de Sayyada Zeinab, en banlieue sud-est, où les Iraniens sont nombreux. La défense de Sayyeda Zeinab a mobilisé également des « volontaires » chiites irakiens depuis 2012. Les chiites représentent environ 1 % de la population syrienne, les alaouites qui leur sont rattachés par commodité 10 à 12 %. Le discours de Nasrallah du 13/10/2012 est intéressant dans sa définition historique et confessionnelle de la frontière libano-syrienne après la Première guerre.
4/ Au plan méthodologique et épistémologique, on soulignera que l’on ne peut émettre ici que des hypothèses, compte-tenu de difficultés bien connues : l’opacité de l’organisation étudiée ; l’impossibilité d’en rencontrer les cadres dirigeants, en temps normal et plus encore dans l’actuel contexte de conflit régional ouvert ; la difficulté à repérer et à décrypter lessignaux de basse intensité émis à travers les discours du secrétaire général Hassan Nasrallah (dont ceux du 18/7/2012, du 25/5/2013, essentiel, et du 23/9/2013). On en est réduit à lire les médias du Hezbollah (Al-Manar et Al-Ahed), à faire des revues de presse et de déclarations, et au débriefing informel de témoins amenés à croiser la route du Hezbollah dans différents contextes et en différents lieux. Les sites mentionnés dans ce texte ont tous été consultés entre mai et septembre 2013.
5/ Le dossier des fermes de Chebaa, à la frontière libano-syrienne, occupées par les Israéliens, permet à certains acteurs de considérer qu’une partie du territoire libanais est encore à libérer.
6/ Sous Hafez, le Hezbollah a été en désaccord avec le soutien privilégié initial à Amal ; avec une partie de sa politique palestinienne au Liban ; puis avec le rapprochement avec les Etats-Unis (illustré par la participation de Damas à la première guerre du Golfe), etc. Sous Bachar, le parti libanais a été mécontent après 2005 du rapprochement vec Doha, Washington, Ankara et Paris.
7/ Hassan Nasrallah, 18 juillet 2012, « Discours pour le sixième anniversaire de la victoire du Liban sur Israël » : http://www.ism-france.org/analyses/Discours-du-Sayed-Nasrallah-le-18-juillet-2012-pour-le-6eme-anniversaire-de-la-victoire-du-Liban-contre-Israel-article-17197
8 Ibid. Hassan Nasrallah, 18 juillet 2012, « Discours pour le sixième anniversaire de la victoire du Liban sur Israël » : http://www.ism-france.org/analyses/Discours-du-Sayed-Nasrallah-le-18-juillet-2012-pour-le-6eme-anniversaire-de-la-victoire-du-Liban-contre-Israel-article-17197. Egalement : « S. Nasrallah : les vrais amis de la Syrie empêcheront sa chute »,Al-Manar, 30 avril 2013 http://www.almanar.com.lb/french/adetails.php?eid=109950&cid=18&fromval=1&frid=18&seccatid=23&s1=1
9 Ibid. Hassan Nasrallah, 18 juillet 2012, « Discours pour le sixième anniversaire de la victoire du Liban sur Israël » : http://www.ism-france.org/analyses/Discours-du-Sayed-Nasrallah-le-18-juillet-2012-pour-le-6eme-anniversaire-de-la-victoire-du-Liban-contre-Israel-article-17197
10 Extraits: « Les armes de la Résistance sont toujours pointées vers l’ennemi israélien, mais l’ennemi a créé une nouvelle frontière derrière nous, près de la Békaa et du Nord, avec pour objectif de nous poignarder dans le dos en collaboration avec des pays pétroliers qui ne connaissent rien à la démocratie. », « Le Hezbollah n’est pas intervenu en Syrie, nous y sommes pour défendre le Liban et sa résistance et pour protéger notre pays. », « Nous ne pointons nos armes que vers ceux qui s’allient aux sionistes. ». « Raad accuse l’opposition syrienne d’avoir voulu ‘‘poignarder le Hezbollah dans le dos’’ », L’Orient-Le Jour, 4 juin 2013 http://www.lorientlejour.com/article/817642/raad-accuse-lopposition-syrienne-davoir-voulu-poignarder-le-hezbollah-dans-le-dos.html.
11Bachar al-Assad, interview accordée à Al-Manar, 31 mai 2013
1212 Paul Salem, « Can Hezbollah Weather the Arab Spring ? », Carnegie Middle East Center, 19 juin 2012 http://carnegie-mec.org/2012/06/19/can-hezbollah-weather-arab-spring/c69t
13 Nous renvoyons à notre « Chronologie détaillée commentée du conflit syrien » dans JP.BURDY et E.PARLAR DAL (dir.), « Syrie: la régionalisation et les enjeux internationaux d’une guerre imposée », revue EurOrientno 41-42, L’Harmattan, mai 2013, 365p., p.30-85
14Cf. D.RIGOULET-ROZE, « La sanctuarisation du Djebel alaouite », in JP.BURDY et E.PARLAR DAL (dir.), « Syrie: la régionalisation et les enjeux internationaux d’une guerre imposée », revue EurOrientno 41-42, L’Harmattan, mai 2013, 365p., p.111-140.
15 « Syrie : le chef du Hezbollah reconnaît la participation du mouvement au combat », Le Monde, 30 avril 2013
16 Didier Leroy « Pourquoi le Hezbollah soutient Bachar Al-Assad, interview au Figaro, 23 juillet 2012
17/ Hezbollah’s role in Qusayr (Sur le rôle du Hezbollah à Qousseir) , PressTVGlobalNews, doc.25′, 25/6/2013 Press TV est une chaîne d’information internationale iranienne en langue anglaise. …
18/ « Amine Gemayel soulève la question de la véritable allégeance du parti de Dieu », L’Orient-Le Jour, 15 juin 2013
http://www.lorientlejour.com/article/819296/amine-gemayel-souleve-la-question-de-la-veritable-allegeance-du-parti-de-dieu.html. Amine Gemayel est dirigeant du parti Kataëb, parti chrétien maronite.
19 Michel Touma, « La Grenouille plus grosse que le bœuf », L’Orient-Le Jour, 14 mai 2013
http://www.lorientlejour.com/article/814274/la-grenouille-plus-grosse-que-le-boeuf.html
20 Confirmant d’ailleurs le constat plus général dans la région « qu’aujourd’hui, être un militant islamiste chiite ne signifie pas forcément être un agent de l’exportation de la révolution islamique, ni non plus considérer que la République islamique est le régime politique le plus conforme à la loi religieuse. Il se développe même un islamisme chiite patriotique prêt à prêter allégeance aux régimes établis, et ce y compris dans les pays où on l’y attendrait le moins comme en Arabie Saoudite. » : Laurence Louër, « Déconstruire le croissant chiite », Revue internationale et stratégique, 4/2009 (n° 76), p. 45-54 http://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2009-4-page-45.html
21 Jean-François Boyer et Alain Gresh, Le mystère Hezbollah, 2007, film documentaire, France 5, Juillet 2007, 52 minutes. http://www.youtube.com/watch?v=QNZF3cieDLM
22/ Paul Khalifeh, « La crise syrienne provoque des remous au sein du Hezbollah libanais », RFI, 03 août 2012 http://www.rfi.fr/moyen-orient/20120803-crise-syrienne-provoque-remous-sein-hezbollah-syrie-liban-israel-nasrallah
23/ « Hani Fahs et Mohamed Hassan al-Amine appellent à soutenir la révolution syrienne », L’Orient-Le Jour, 10 août 2012. http://www.lorientlejour.com/archives/overview.php?id=A772720
24/ Jean-Paul Burdy, « Liban : le Hezbollah, le Pape, le film. Et la Syrie », Questions d’Orient – Questions d’Occident, 18 septembre 2012 https://sites.google.com/site/questionsdorient/chroniques-d-actualite/18-septembre-2012-le-hezbollah-le-pape-la-syrie
25 « Le Courant chiite libre invite le Hezbollah à se retirer de Syrie », L’Orient-Le Jour, 3 juin 2013. http://www.lorientlejour.com/article/817419/le-courant-chiite-libre-invite-le-hezbollah-a-se-retirer-de-syrie.html
26 « Iran plunged Hezbollah into Syrian war, Tufaili », Ya Libnan, 3 juillet 2013
http://www.yalibnan.com/2013/07/03/iran-plunged-hezbollah-into-syrian-war-tufaili/
27 Parmi les personnalités signataires : Ibrahim Chamseddine (ancien ministre, fils de l’ancien chef spirituel de la communauté chiite Mohammad Mehdi Chamseddine), Khalil Kazem el-Khalil (ancien ambassadeur du Liban à Téhéran), Rached Sabri Hamadé, Lokman Mohsen Slim, Youssef Talaat Zein, Chawki Mohammad Safieddine, Maged Samih Fayad, Mona Abdallah Fayad, Mohammad Farid Matar et Ghaleb Abbas Yaghi. « Dans un appel solennel, des personnalités chiites dénoncent la politique du Hezbollah en Syrie et au Liban », L’Orient-Le Jour, 6 juillet 2013. http://www.lorientlejour.com/article/817948/dans-un-appel-solennel-des-personnalites-chiites-denoncent-la-politique-du-hezbollah-en-syrie-et-au-liban.html
28 Samia Nakhoul, « En s’engageant en Syrie, le Hezbollah polarise le Liban », Le Nouvel Observateur, 12 juin 2013 http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20130612.REU6157/en-s-engageant-en-syrie-le-hezbollah-polarise-le-liban.html
29 F.Burgat, « Plus que jamais le régime cultive la fracture confessionnelle », L’Express, 15 mars 2013, http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-orient/syrie-plus-que-jamais-le-regime-cultive-la-fracture-confessionnelle_1231759.html
30 Une cinquantaine de blessés et de gros dégâts. L’attentat a été revendiqué par la Brigade 313, apparemment un groupuscule syrien d’obédience sunnite inconnu.
31 Une trentaine de morts, plus de 300 blessés et de gros dégâts. L’attentat a été revendiqué par un groupuscule sunnite inconnu, les Compagnies d’Aïcha Oum al-Mouminine.
32 D’après Fabrice Balanche (directeur du Gremmo, Lyon), « pour les auteurs [de l’attentat du 9 juillet], l’objectif est également de diviser le Hezbollah en liant l’attentat à la présence de ses combattants en Syrie, sachant qu’il existe un clivage entre certains responsables pro-iraniens favorables à l’intervention du mouvement en Syrie et d’autres, plus nationalistes libanais, qui estiment que le parti doit se contenter de lutter contre le voisin israélien et donc de rester au Liban. ». Cité par Marc Daou, « L’attentat au Liban, une réponse à l’implication du Hezbollah en Syrie ? », France 24, 10 juillet 2013 http://www.france24.com/fr/20130709-attentat-liban-hezbollah-banlieue-sud-beyrouth-bir-abed-crise-syrie-nasrallah-assad-rebelles-asl
33 Par ex. l’enlèvement de deux pilotes de la Turkish Airlines entre l’aéroport et le centre ville, le 9 août 2013.
34Sayyed .H.Nasrallah, «Jamais nos frères syriens ne nous ont parlé d’armes chimiques» , discours du 23/9/2013 : http://french.alahednews.com.lb/essaydetails.php?eid=10559&cid=342#.Ulq-R1NiE-B
35 A la mi-juin 2013, Michel Aoun, leader du Courant patriotique libre (CPL, parti chrétien maronite) soutient son allié politique: « Le Hezbollah n’est pas allé occuper la Syrie, mais il a empêché le conflit de se propager au Liban. Je suis contre l’interférence en Syrie par principe, mais je ne peux m’opposer à ceux qui tentent de protéger le Liban de la guerre. » Mais un mois plus tard, la Coalition du 8 mars, pro-syrienne, semble se fissurér, même si la condamnation unanime des attentats dans la banlieue sud recrée une certaine unité -ou au moins une solidarité avec le Hezbollah. Cf.« Aoun : le Hezbollah a empêché l’extension des combats syriens au Liban », L’Orient-Le Jour, 15 juin 2013 http://www.lorientlejour.com/article/819284/aoun-le-hezb-a-empeche-lextension-des-combats-syriens-au-liban.html
36 « S’ils [les hezbollahis] participent à la bataille d’Alep (…) cela attisera davantage les tensions (…) Ils doivent rentrer au Liban. » « Syrie : Michel Sleiman demande au Hezbollah de rentrer au Liban », Le Monde, 20 juin 2013 http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2013/06/20/syrie-michel-sleimane-demande-au-hezbollah-de-rentrer-au-liban_3433419_3218.html
37Rami G. Khouri, « A Hezbollah turning point in Qusair ? », The Daily Star, 22 mai 2013 http://www.dailystar.com.lb/Opinion/Columnist/2013/May-22/217921-a-hezbollah-turning-point-in-qusair.ashx#axzz2XWSZViM6
38 Khouri, cité par Alain Gresh, « Syrie, l’entrée en guerre du Hezbollah », Nouvelles d’Orient, 23 mai 2013
http://blog.mondediplo.net/2013-05-23-Syrie-l-entree-en-guerre-du-Hezbollah
39 Salah Bardawil, porte-parole officiel du Hamas à Gaza : « We knew Hezbollah as a party that fought against Israel, but now it has committed a grave mistake by intervening in the Syrian crisis. This led to a decrease, and later total collapse, in support [for Hezbollah]. » ; « Hezbollah’s intervention [in Syria] was a huge mistake, and it would have been better for them not to get involved in this conflict. [This involvement] has caused the party to lose its share of popular support, and people now doubt that it is a resistance party.” in H.Balousha, « Hamas, Hezbollah Reportedly Seek to Cool Tensions », Al-Monitor, 17 juin 2013:
http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2013/06/hamas-hezbollah-syria-lebanon-palestinians.html