Les électeurs qataris ont été appelés mardi 5 novembre à se prononcer par référendum sur des amendements constitutionnels. Dont l’une des dispositions principales visait à abolir les élections législatives pour la désignation de 30 des 45 membres du Majlis al-Choura, un conseil consultatif aux pouvoirs législatifs des plus limités (les autres 15 membres étant désignés par l’émir).
Les chiffres donnés par l’organisme organisateur du référendum, le comité général du référendum, sont intéressants en soi. Sur les 380000 citoyens du pays (sur une population totale légèrement supérieure à 3 millions), 84 % ont participé à la consultation (dont l’émir Tamim ben Hamad al-Thani, son épouse, son père Hamad, etc.). Ils se sont prononcés à 90,6 % pour les amendements constitutionnels, et donc principalement l’abandon du principe de l’élection des membres de la choura, au profit d’un retour à la désignation de tous ses membres par l’émir.
L’émir Tamim s’est donc félicité sur X de « la célébration [par les Qataris] des valeurs d’unité et de justice » . Les commentateurs occidentaux analysent en général le résultat comme « la fin d’une brève expérience démocratique dans la petite monarchie gazière du Golfe » (dixit une dépêche de l’AFP). Ce qui est sans doute faire là un grand honneur à la « démocratie qatarie ». Car la première et unique élection des membres de l’organe législatif avait eu lieu en 2021, un an avant d’accueillir la Coupe du monde de football. Et elle n’avait alors pas mobilisé les foules. D’autant que seuls les descendants d’habitants déjà citoyens du Qatar en 1930 (donc bien avant l’indépendance en 1971) avaient eu le droit de voter et de se présenter comme candidats. Ce qui disqualifiait d’office les familles naturalisées depuis 1930, excluant notamment des membres de l’importante tribu al-Mourra, rivale historique de la tribu al-Thani au pouvoir. Les candidats devaient aussi se présenter dans les circonscriptions où vivait leur famille ou leur tribu dans les années 1930.
Suite au référendum, c’est donc à nouveau l’émir qui désignera l’ensemble des membres du Majlis al-Choura. Ce conseil peut proposer des lois, approuver le budget ou encore révoquer des ministres, le tout-puissant émir conservant un droit de veto sur l’ensemble des textes et débats émanant de la Choura. Parmi les autres amendements proposés mardi figure un article permettant à tous les Qataris, y compris les citoyens naturalisés (ils sont très peu nombreux), d’occuper des fonctions ministérielles, un droit jusque-là réservé aux seuls Qataris de naissance. Depuis 1999, le Qatar organise aussi des élections municipales tous les quatre ans.
Pour reprendre les termes de la Commission du référendum, tels que publiés avant le référendum par la Qatar News Agency (QNA1) : « Ce scrutin, organisé en vertu du décret n° (87) de 2024, incarne une nouvelle fois l’image de la cohésion entre le peuple qatari et le leader de sa nation. Il souligne également l’adhésion profonde à l’unité nationale, à la cohésion sociale, ainsi qu’aux valeurs ancestrales et aux principes nationaux solidement ancrés. Depuis leur annonce, les amendements constitutionnels ont été unanimement salués par l’ensemble des segments de la population, illustrant ainsi la coopération constructive entre les autorités législatives et exécutives, depuis la transmission du projet au Conseil de la Choura jusqu’à son adoption unanime. Cette synergie témoigne de la volonté commune de concrétiser la vision de Son Altesse Cheikh Tamim bin Hamad Al Thani, l’Émir du Qatar, qui accorde à l’unité nationale la primauté absolue, défend les principes de justice, de consultation et d’État de droit, et promeut l’égalité des citoyens en matière de droits et de devoirs. ». Sic.
Le panorama des consultations électorales législatives dans le Golfe est donc relativement simple. Rien à signaler en Arabie saoudite, aux Emirats arabes unis, en Oman et au Qatar, au-delà éventuellement d’élection par des corps électoraux restreints de chouras locales consultatives. Le seul pays dans lequel on peut considérer qu’il existe une tradition électorale à peu près constituée, avec une vie parlementaire d’ailleurs agitée, est l’émirat au Koweït. Au royaume de Bahreïn, voisin du Qatar, il y a eu de très brèves périodes de consultations électorales au début du siècle, vite reprises en main par le pouvoir sunnite quand il est apparu que l’opposition chiite risquait d’emporter la majorité des sièges, vue son poids démographique (environ les deux tiers de la population ayant la nationalité bahreïnie) : depuis l’écrasement du « printemps de Manama » en 2011, les découpages électoraux et l’interdiction des partis d’opposition éliminent celle-ci des chouras, qui ne sont, dès lors, que des organismes d’enregistrement des décisions du pouvoir.
NOTES & SOURCES
1 URL: https://www.qna.org.qa/fr-FR/News-Area/News/2024-11/03/r%C3%A9f%C3%A9rendum-sur-les-amendem-eil-populaire-massif-et-un-taux-de-participation-in%C3%A9dit
Sources: revue de presse qatarie et golfienne.


5 novembre 2024, Qatar. La consultation référendaire. L’émir Tamim vote.